Les meilleures (et surtout les pires) chansons de campagnes présidentielles

Pour galvaniser les foules, rien de mieux qu’une bonne musique. Encore faut-il trouver la bonne. Depuis plusieurs décennies, les candidats investissent dans des chansons pour booster leur campagne... avec plus ou moins de réussite.
  • La lutte pour la Présidentielle se joue aussi chez les disquaires. Car la musique est un outil fédérateur puissant, en particulier pour animer les meetings. Mais plutôt qu’utiliser encore une fois The Final Countdown d’Europe, mieux vaut innover un peu. On peut bien sûr user de chansons connues, comme Angela Merkel utilisant le Angie des Rolling Stones. Cependant, rien ne vaut une musique originale, taillée pour le candidat.

    L’un des premiers – et meilleurs – exemples date de 1981, avec Jacques Chirac. Quatre ans plus tôt, il a remporté la mairie de Paris, avec la chanson Pour Que Paris. Il décide de renouveler l’expérience avec ce titre disco-funk improbable, nommé Jacques Chirac, Maintenant ! L’envolée de cor épique, les chœurs, les cordes, tout y est. Mais cela n’a pas suffit : le candidat de droite ne finira que troisième, derrière le président sortant, Valéry Giscard d’Estaing, et le futur vainqueur François Mitterrand.

    C’est que celui-ci avait sorti son propre morceau, Mitterrand Président. Avec ses synthés affreusement datés, il souhaitait rajeunir l’image du socialisme. Peut-être a-t-il un peu forcé, tant le titre ressemble à un générique de dessin animé. On reste songeur en imaginant à quoi pourrait ressembler une série dédiée au président socialiste. Fait étonnant : ce morceau comme celui de Jacques Chirac est l’œuvre du même compositeur, Pascal Stive. Un bel exemple de neutralité politique.

    Si la musique a continué de jouer un rôle important dans les élections suivantes, c’est surtout pour la Présidentielle de 2007 que des sommets seront atteints. Avant-même le début de la campagne, une chanson va tenter de pousser l’investiture de Dominique Strauss-Kahn pour le partie socialiste. Et difficile de trouver un titre qui ait plus mal vieilli. La musique, déjà, reprend l’air du Zidane Y Va Marquer, parodie par Cauet d’un air de Salif Keïta, pour la coupe du monde de football en 2006. Et surtout, le parcours politique de Strauss-Kahn donne des airs maudits à cette chanson : non seulement il n’est pas candidat du PS en 2007, mais il ne le sera non plus en 2012, suite à l’affaire du Sofitel.

    Car c’est bien Ségolène Royal qui a obtenu l’investiture socialiste en 2007. Et elle aussi a mis la barre très haut pour sa musique de campagne. On y entend la rencontre étonnante entre une rythmique eurodance, déjà totalement ringarde à l’époque, et des chœurs rappelant plutôt la raideur du parti communiste, le tout entrecoupé de discours de la candidate. Autrement dit : rien ne va.

    Peut-être que ceci explique la victoire de son adversaire Nicolas Sarkozy. Pourtant, lui aussi a eu droit à son titre improbable pour cette élection, avec Sarko Oh Oh. Celui-ci a au moins le mérite d’être franchement hilarant, en particulier avec ses paroles : « Go go Ségo KO ». Si le titre n'a rien d'officiel, l'UMP ne s'est pas privé de l'utiliser à plusieurs reprises.

    De son côté, le candidat d’extrême droite Jean-Marie Le Pen avait pourtant mis les grands moyens. Car pour jouer à fond sur sa volonté de dédiabolisation, le candidat Front National était allé jusqu’à employer un zouk. Signé par la chanteuse d’origine malgache Isabella Imperatori, ce titre datait en réalité de 1997, pour accompagner les élections législatives.

    Cinq ans plus tard, le parti socialiste l’emporte, mais ce n’est sans doute pas grâce à sa chanson de campagne. En guise de soutien, François Hollande n’a eu droit qu’à une chanson horripilante, reprenant en boucle son slogan « Le changement, c’est maintenant ». Le plus irritant restant cette voix robotique doublant le chanteur. Pour avoir de quoi rire, mieux valait se tourner vers l’écologiste Éva Joly, accompagnée d’un rap celtique rappelant les plus sombres heures de Manau. Ses deux compositeurs s'étaient d'ailleurs plaints de ne pas avoir été payés pour leur travail, le parti écologiste comptant sur une production bénévole. « Je suis sûr que Sarkozy aurait été plus clean ! » a pesté l'un deux.

    Si l’élection de 2017 a été plus sage, les candidats préférant cette fois des thèmes instrumentaux grandiloquents, Internet a pu fournir des thèmes mémorables. On peut penser à cette torride déclaration d'amour à Philippe Poutou, ou ce très gênant soutien à Emmanuel Macron. Jean-Luc Mélenchon, en particulier, est une source d’inspiration récurrente. Dès 2012, on lui dédiait cette reprise de Philippe Katerine, Je re-Mélenchon, ainsi que le surprenant Prends le pouvoir sur moi, Jean-Luc (en réalité un canular monté par une agence de communication). Pour les dernières élections présidentielles, il a eu droit à l’hommage du youtubeur Khaled Freak, spécialisé dans les détournements de discours politiques, ainsi qu’à la chaîne Starrysky, duo de musiciens relevant des défis musicaux. Alors qu’on leur demande une chanson sur un politique, c’est bien sur le candidat Insoumis qu'ils jettent leur dévolu. Avec un bel équilibre entre second degré et véritable hommage.

    Après toutes ces perles, on espère que l’élection à venir sera tout aussi inspirante pour les musiciens. En tout cas une certitude : ce sera difficile de faire pire. Et quand bien même les chansons officielles resteraient tièdes, on se dit qu’on peut toujours compter sur Dombrance pour fournir les hymnes politiques dont on a besoin.