Les frères maudits du rock : Mark et David Knopfler, pas vraiment sultans du swing

Etre frère, en musique, c'est un peu pour le meilleur et pour le pire. Victimes du "syndrome Oasis", les frères Mark et David Knopfler en auront fait les frais avant les Gallagher, non pas à cause de leurs échecs, mais de leurs succès. Histoire d'une relation qui sonne comme une guitare débranchée.
  • Avec Dire Straits, le groupe fondé par les frères Mark et David Knopfler, il existe une certaine ironie. La traduction de « Dire Straits », ou plutôt de « to be in dire straits » veut dire « être dans la dèche ». Lorsqu’ils ont choisi ce nom, probablement pour conjurer la mauvaise fortune, la fratrie Knopfler était loin de se douter que c’est, à l’inverse, leur succès si énorme qui causerait leur perte. Avant de tirer définitivement le rideau en 1995, le groupe fera une première pause en 1988. David, lui, s'est cassé dès la fin du deuxième album, "Communiqué". La raison du départ ? "Mark et moi avions une vision différente de ce que nous faisions. Je construisais une démocratie et Mark faisait une autocratie." Visiblement, la ville était trop petite pour deux guitaristes, en dépit du fait qu'ils aient eu les mêmes parents...

     

    En l’espace de six albums, les Britanniques vont il est vrai devenir ces incontournables légendes du rock qu’on connaît tous. Si la machine Dire Straits n’a pas, ou peu présenté de signe de faiblesse avant leur cinquième album, « Money for Nothing » (1985) — qui cumule aujourd’hui plus de 30 millions de copies écoulées dans le monde — c’est pourtant bien avec ce disque que tout a changé.

    C’est un fait. Après chaque grand succès, qui plus est, international, le groupe à son origine doit s’envoler aux quatre coins du globe pour le défendre. Ce fut bien sûr le cas pour Dire Straits. Dès 1985, ils entament donc leur tournée mondiale qui doit s’étaler sur une année complète. Pour se rendre compte de l’ampleur de celle-ci, entre 1985 et 1986, les Britanniques ont donné 248 concerts dans plus d’une vingtaine de pays; 23 pour être précis.

    Alors, ce qui devait arriver… arriva. Au bout de ce marathon quasi inhumain, le groupe, éreinté, décide logiquement de faire une longue pause. Pendant presque deux ans, la bouille de Mark Knopfler se fait discrète. Il réapparait le 11 juin 1988 le temps d’un concert historique en l’honneur du 70e anniversaire de Nelson Mandela. Mais, moins de trois mois plus tard, c’est le drame.

    En septembre 1988, Mark Knopfler fait part à ses fans de sa décision de stopper Dire Straits. Lors d’une déclaration, le chanteur expliquait ce qui avait motivé ce choix :

    « De nombreux articles de presse disaient que nous étions le plus grand groupe du monde. L’accent n’était pas mis sur la musique, l’accent était mis sur la popularité. De mon côté, j’avais besoin de repos. »

    Afin de se reconnecter à sa discipline fétiche, Mark va œuvrer en solo et monter une autre formation, The Notting Hillbillies, en embarquant quelques anciens membres avec lui. Cette parenthèse va se prolonger pendant plusieurs années, pour finalement se solder par... une réunion presque inévitable. Dire Straits est de retour en 1991 avec le single Calling Elvis, mais toujours sans David. Instantanément, la machine s’emballe de nouveau, au grand dam de l'autre frère.

    Pour accompagner cette chanson qui cartonne et enchante un public toujours plus important, Mark va proposer un sixième album, « On Every Street » (1991). Malheureusement, ce disque se remet à trop bien marcher. Une fois encore, la formation va devoir reprendre la route pour assurer une tournée qui, selon ce site obscur, va les balancer cette fois dans 22 pays différents.

    Comme pour la précédente, c’en est trop pour Mark Knopfler — on saisit pourquoi en regardant ce documentaire produit par CANAL+, et qui montre les rythmes effrénés imposés par ces dates de concert. Si la dernière fois il était seul à mal vivre ces déplacements incessants, ce coup-ci, sa femme en a ras la casquette. Ce divorce difficile à gérer sera le point de bascule qui entraînera la fin définitive de la formation. Le chanteur l’annonce en 1995, d’une manière un poil alambiquée :

    « J’ai mis ce truc [Dire Straits] au lit, parce que j’avais envie de revenir à une certaine forme de réalité. C’était une forme d’autoprotection, de façon de survivre. Les groupes de cette taille deviennent déshumanisants. »

    Que s’est-il passé ensuite ? Mark Knopfler n’a pas raccroché les gants, loin de là. Depuis 1996, le guitariste a renoué avec l’expérience du solo. Il ne s’est d’ailleurs jamais arrêté, et avec l’âge, il semble toujours plus passionné. C’est ce qu’il expliquait dans une interview accordée à Rolling Stone, le jour de ses 73 ans, en 2018 : « Plus je vieillis, plus je suis productif. Peut-être parce que je n’ai plus à courir dans tous les sens… »

    Vous pourrez retrouver les fruits de cette boulimie créatrice dans le coffret « Mark Knopfler — The Studio Albums 2009-2018 », qui sera disponible dans le monde entier dès le 7 octobre prochain. Si vous voulez vous le procurer, les précommandes sont d’ores et déjà ouvertes via ce lien.

    Quant à David, auto-débarqué du groupe voilà 42 ans, il dispose d'une discographie solo ininterrompue depuis 1980, dont le récent "Shooting For The Moon", publié en 2021. Certains diront que ses 3 ans au sein de Dire Straits lui ont valu de bosser sur les meilleurs albums du groupe. Pas lui, si l'on s'en tient à ses déclarations dans la presse: "je dois être honnête et vous dire que Dire Straits est un sujet pour lequel je ne ressens aucune affection ou affinité, c'est comme une ex-petite amie oubliée depuis longtemps".

    Cruel destin pour les frères Knopfler, a priori toujours en froid à l'heure où s'écrivent ces lignes, que l'un des albums les plus connus du groupe se nomme "Brothers in Arms".

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