2022 M06 13
Cette histoire aurait très bien pu être un épisode du Bureau des légendes. Mais c’est pourtant bien dans la vie réelle qu’elle s’est déroulée. Nous sommes en 2005 et les Franz Ferdinand viennent de changer de statut grâce à la sortie d’un premier album qui porte lui aussi le nom du groupe. Avec cette reconnaissance nouvelle, ils entament une tournée mondiale qui les balance des États-Unis à la Russie. Dès leur arrivée dans le plus grand pays du globe, Alex Kapranos est intercepté par les autorités locales. Elles l’accusent d’être un espion.
Au beau milieu de la décennie 2000, les Britanniques ont le vent en poupe. Leur disque « Franz Ferdinand » est adulé par tous et la formation enchaîne les dates sold out, partout sur la planète. Inspirés par les voyages, les Écossais en profitent pour préparer leur deuxième album, « You Could Have It So Much Better ». Bien avancés dans l’élaboration de ce disque, ils se servent d’un passage à New York pour terminer le mix. Après cette étape ponctuée de quelques concerts, ils pourront continuer leur tournée. Fin mai 2005, des USA, ils décollent directement pour la Russie — un détail qui a toute son importance.
Une fois arrivés à l’aéroport international Domodedovo de Moscou, les membres du groupe passent la zone de contrôle sans souci. Sauf que, pour leur leader, Alex Kapranos, ça coince. Les agents du service d’immigration l’arrêtent. Ils l’emmènent dans une petite pièce isolée et le somment de repartir aussi vite qu’il est venu. Selon eux, le chanteur fait partie d’une liste de personnes interdites d’entrée sur le territoire depuis les États-Unis. Pire encore, les autorités locales affirment qu’il représente un « risque de sécurité de haut niveau ». Kapranos tombe des nues. Le tubeTake Me Out va-t-il prendre un tout autre sens ?
Malgré la peur, comme il l’expliquait dans cet article du Times, le chanteur ne se débine pas et tente de comprendre la situation. Après avoir engagé le dialogue avec le service d’immigration, il saisit d’où vient cet imbroglio. Sur son passeport, Alex n’est pas Kapranos, mais Alex Huntley ; le nom de jeune fille de sa mère. Sauf que, Alex Huntley est en fait un homonyme. Le leader de Franz Ferdinand partage ce nom avec… un espion du MI6. Les fans de James Bond auront reconnu cet acronyme. Il s’agit effectivement de celui du service de renseignements extérieurs du Royaume-Uni.
En réalité, l’espion mentionné plus haut s’appelait Richard Tomlinson. Il avait utilisé le nom d’emprunt « Alex Huntley » lors de l’une de ses missions en Russie. Pour ajouter un peu plus de malchance à cette affaire, Tomlinson était un agent controversé. Après avoir été viré du MI6 en 1995 et avoir tenté de porter plainte pour « licenciement abusif », il a voulu publier sa biographie. Un bouquin dans lequel il révélait certaines informations compromettantes pour le gouvernement anglais. Malgré les multiples démarches des services secrets britanniques, le livre de l’ancien agent du MI6 sera disponible en librairies grâce à un éditeur russe. Pour en savoir plus à ce sujet, Le Temps publiait un article très complet sur les informations en question, dès février 2001.
Retour à l’aéroport de Moscou et à notre Alex Huntley, enfin, Alex Kapranos. Après plus d’une heure de discussion acharnée avec des arguments implacables, le chanteur de Franz Ferdinand est finalement libéré. Au bout du compte, les services d’immigrations russes ont compris que, d’abord, les deux hommes ne se ressemblaient absolument pas, et surtout, que Tomlinson était de 13 ans l’aîné de Kapranos. À croire qu'il s'agissait des mêmes agents qui ont arrêté Xavier Dupont de Ligonnès à Glasgow en octobre 2019.
Franz Ferdinand est en tournée mondiale jusqu’à la fin 2022, toutes les informations sont sur leur site officiel.
Today I feel like Alex Kapranos looking lost in russia pic.twitter.com/oDDBPuv5AP
— Veps (@ProbablyNot_Bye) April 10, 2020