Le jour où RATM a fait fermer la bourse de New York à cause d'un clip

La scène se passe à New York, à l’orée du nouveau millénaire. En ce mercredi 26 janvier 2000, Rage Against The Machine est dans la ville américaine pour tourner le clip de «  Sleep Now in the Fire  ». Dans cette vidéo qui dénonce les travers du capitalisme, on voit le groupe donner un concert aux abords du symbolique Wall Street. À la base, ça devait être un événement confidentiel. Mais tout ne s'est pas passé comme prévu.
  • Prenez Rage Against The Machine, ce groupe connu pour son caractère dissident et ses engagements en tout genre, des luttes contre le racisme, la mondialisation ou encore le capitalisme. À ces Californiens insoumis, rajoutez l’écrivain et réalisateur Michael Moore, réputé lui aussi pour ses prises de positions (similaires) largement exprimées dans ses œuvres. Mélangez tout ça. Vous obtiendrez le deuxième single de l’album « The Battle of Los Angeles » (1999), l’explosif Sleep Now in the Fire dont le clip a été filmé dans le financial district de New York.

    Pour mettre en images cette chanson particulièrement acerbe, qui dénonce à la fois Hiroshima, la guerre au Vietnam, l’esclavage des États-Unis et la superpuissance de la finance, la bande de Zack de la Rocha va choisir de tourner au pied de Wall Street. Afin de donner encore plus de symbolique à cette vidéo, le groupe confie la réalisation au cinéaste Michael Moore, tout juste auteur de The Awful Truth, une émission satirique, éminemment politique — dont certains sujets abordés dans les épisodes se retrouveront dans le clip. 

    L’idée principale était simple. RATM devait donner un concert en petit comité juste sous les fenêtres de la bourse. Tels des citoyens modèles, ils ont donc demandé des autorisations à cet effet. Ils ne les obtiendront pas, mais pourront tout de même tourner, non pas devant le Federal Hall, mais sur le trottoir d’en face, sur les marches d’un autre bâtiment, gardé par une imposante statue de George Washington. Tout était prêt en ce début d’après-midi hivernal, oui mais sauf que...

    La rumeur affirmant que Rage Against The Machine s’apprêtait à shooter son prochain clip dans le financial district avait tournée. Tellement, qu’à la place d’uniquement avoir quelques fans triés sur le volet, puis prévenus discrètement, des centaines d’individus se pointent à l’heure et au lieu du rendez-vous. De là, vous vous doutez bien de ce qu’il a pu se passer dans ce quartier new-yorkais particulièrement surveillé par les forces de l’ordre. Avant que le tohu-bohu n’éclate, Michael Moore n’avait donné au groupe qu’une seule consigne : « Quoi qu’il arrive, ne vous arrêtez pas de jouer ! »

    Si le début du tournage se passe à merveille, la suite ne sera pas du même acabit. Comme on vous l’expliquait, RATM devait rester à un seul endroit pendant la totalité de la vidéo. En moins de temps qu’il ne faut pour le dire, les membres quittent leur place pour directement se hisser sur les pieds de pierre du premier président des États-Unis. Le contrat de base avec la police est rompu : plus rien ne les retient donc pour intervenir et calmer cette foule en délire. C’est un joyeux bordel et les arrestations s’enchaînent. Lors de cette scène surréaliste — visible dans le clip — Michael Moore et le bassiste Tim Commerford se font coffrer, en plus de pas mal d’autres excités.

    Bien que deux des protagonistes principaux se fassent pincer, la cohue ne faiblit pas. À l’inverse, elle attise la curiosité des loups de Wall Street, qui se demandent bien ce qu’il est en train de se passer. Certains quittent même leur poste pour aller voir ce qu’il se trame. Au bout du compte, le foutoir aura été tel que la bourse de New York ira jusqu’à annoncer sa fermeture pour la fin de journée, deux heures plus tôt qu’à l’accoutumée : une première depuis le krach de 1929.

    L’histoire aurait pu s’arrêter là, mais comme on vous l’expliquait déjà, le clip a connu une seconde jeunesse en 2016. Sur la photo ci-dessus tirée de cette même vidéo, on peut voir un homme brandir un panneau « Trump for president 2000 ». Déjà, à cette époque, Donald Trump avait des ambitions politiques. Il se désistera finalement pour cette campagne, avant de devenir président à son tour, 16 ans plus tard donc. 

    Dans le sillage de cette élection, le projet Prophets of Rage sort de terre. Au sein de ce super groupe, on retrouve les trois-quarts de RATM (le guitariste Tom Morello, le bassiste Tim Commerford et le batteur Brad Wilk), Chuck-D de Public Enemy, et B-Real de Cypress Hill. En somme, uniquement des artistes réputés pour leurs engagements et leur militantisme. Coïncidence ? On vous laisse en juger. 

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