2023 M02 21
Quand ils étaient gamins, disons vers l’âge de 5 ans, Thomas Bangalter et Guy-Manuel de Homem-Christo étaient fascinés par un dessin animé venu du Japon : Albator. Ce ne sont pas les seuls enfants à se ruer devant la télévision du salon pour suivre les aventures du pirate de l’espace. Mais clairement, ce seront les seuls, 25 ans plus tard, à aller chercher son créateur au Japon pour qu’il anime leur album. On monte dans une navette spatiale en forme de guitare direction une faille spatio-temporelle pour retracer cette histoire à quatre millions de dollars.
Après le succès de « Homework », les Daft Punk se mettent à bosser sur le prochain disque. Il ne s’appelle pas encore « Discovery » mais le duo bientôt casqué à jamais sait déjà là où il veut aller musicalement. Pendant cette période créative, Thomas et Guy-Manuel bossent en catimini sur un long-métrage d’animation inspiré par les morceaux de l’album et par leurs souvenirs d’enfance — des navettes spatiales, des limousines qui volent, des méchants, des gentils, des planètes imaginaires, etc. En somme, ils replongent dans l’époque Albator, celle de l’insouciance, des animés et des belles histoires. Dès l’an 2000, toujours avant la sortie de « Discovery », les Daft reçoivent une réponse de Leiji et s’envolent pour le Japon. Ils n’osent pas aller le voir, par timidité, par pudeur, par respect aussi. Mais ils savent aussi qu’au moment de sonner à sa porte, la carrière du Japonais est derrière lui. Et qu’il s’agit peut-être du meilleur timing possible pour lui proposer une collaboration — au-delà du fait que Leiji est d’accord pour rencontrer le duo.
Les Daft sont fans. Fans du travail de Leiji et plus globalement des productions de la Toei Animation, la société de production d’Albator, de Goldorak, de Candy Candy ou encore Grendizer, qui sont des références ultimes pour eux. Ils veulent que le Japonais, qui vit littéralement dans une maison qui ressemble à un vaisseau spatial, mette en image les morceaux de leur futur album. Leiji accroche direct et accepte le deal. Si une partie du script est déjà écrite — de toute manière il n’y a pas de dialogues et le pitch est ultra simple : quatre musiciens d'une autre galaxie sont kidnappés par un manager maléfique qui veut en faire le plus grand groupe sur terre — le Japonais a carte blanche pour la partie design.
Un contrat est signé avec Shinji Shimizu, un collaborateur de Leiji, pour quatre millions de dollars. Fun fact : les Daft paient de leurs poches pour financer ce projet. Soit ils y croient dur comme fer et savent qu’ils ont de l’or entre leurs mains. Soit ils sont fous.
Daft Punk & Leiji Matsumoto pic.twitter.com/Y7b12MLVew
— Daft Punk Fandom🤖🤖 (@Daft_Wub) March 27, 2021
Si on résume : il y a d’abord eu des chansons. Elles sont devenues des clips. Et ces clips ont formé un film intitulé Interstella 5555 qui est présenté lors du festival de Cannes 2003. D’ailleurs, les quatre premiers clips pour les quatre premiers singles — One More Time ; Aerodynamic ; Digital Love ; Harder, Better, Faster, Stronger — racontent le début du film. Bref, les Daft réalisent un rêve de gosse — même s’ils en profitent pour distiller quelques critiques bien senties sur l’industrie musicale dans le film — Leiji renoue avec le succès et atteint même de nouvelles sphères et le monde entier (re)découvre l’univers rétro des années 70 et 80, les mêmes années qui ont nourri musicalement le duo français durant la conception de « Discovery » (Cerrone, AC/DC, Prince, etc.), à voir comme une ode à leur enfance. La boucle spatiale est bien bouclée.
Vingt ans plus tard, les Daft ont disparu quelque part sur une autre planète non identifiée et Leiji vient de les rejoindre. La fin d’un voyage musical et visuel qui aura permis au Daft Punk de s’envoler vers le succès et à Leiji de renaître aux yeux du monde entier.