2022 M06 29
C’est l’histoire d’un homme, nommé Charlie. Bienveillant, toujours volontaire mais luttant avec de sérieux problèmes d'addiction, le jeune rockeur anglais se sait condamné. Alors, pour aider ses amis restés sur la plage, Charlie décide de rejoindre une station sous-marine pour désactiver un dispositif de blocage des transmissions. Problème, l'accès nécessite un code : il faut rejouer les notes de Good Vibrations à l'identique pour déverrouiller le programme. Extraite de la troisième saison de Lost, cette scène, l’une des plus mythiques de la série de JJ Abrams, démontre presque à elle seule l'influence du tube des Beach Boys au sein de la pop culture.
À cela, il convient même d'ajouter l'hommage rendu par Pete Townshend, qui considère Good Vibrations comme une excellente chanson, indescriptible. « Il fallait l'écouter environ 90 fois pour entendre ce qu'ils chantaient ».
Le guitariste des Who dit vrai : Good Vibrations, ce n'est pas seulement une ode à l'optimisme, au soleil et à tous ces moments positifs traversés dans la vie. C'est aussi une prouesse technique, dont l'enregistrement a nécessité 22 sessions étalées sur près de sept mois et réparties dans quatre studios différents. L'idée de Brian Wilson est alors de créer son propre mur du son, ce qui n'est pas vraiment du goût de son inventeur, Phil Spector, qui voit dans cette chanson un simple « single de montage », dépendant des bandes et des techniques de production.
Mais qu'importe ce que pense le producteur chevelu à la gâchette facile : grâce à Brian Wilson, les Beach Boys tiennent là une symphonie de poche, certes très coûteuse (à l'époque, Good Vibrations est le single le plus cher de l'histoire avec un montant estimé à 50 000 dollars), mais impressionnante de créativité et de maîtrise, tant sur le plan musical qu'harmonique.
Il faut aussi dire un mot sur les paroles, précisément ce qui semble obséder Pete Townshend. C'est sur cet aspect que Brian Wilson se fait finalement le plus cryptique, s'inspirant des vibrations cosmiques et de ces petites choses de la vie transmises par sa mère. Depuis qu'il est gamin, le Californien est en effet persuadé que les chiens ressentent les « mauvaises vibrations » de l'homme, il pense même que cela contribuerait à les faire aboyer. C'est du moins ce qu'il expliquait au Rolling Stone : « Le mot “vibrations” me faisait peur. Penser que des sentiments invisibles, des vibrations invisibles existaient, me faisait peur. Ma mère parlait de chiens qui aboyaient sur des gens et n'aboyaient plus sur d'autres, elle me disait qu'un chien captait les vibrations de ces personnes, des trucs que l'on ne peut pas voir mais que l'on peut sentir. »
Malin, Brian Wilson utilise alors ce concept pour développer un texte autour d'une perception extrasensorielle, invente le concept des « bonnes vibrations » pour se rassurer et met en son des paroles aptes à provoquer l'excitation chez les coachs en développement personnel, qu'il donne presque l'impression de noyer sous des couches d'harmonies et d’arrangements. C'est là toute la beauté de Good Vibrations, jamais ternie depuis 56 ans : mettre la prouesse technique au service de l'émotion, rendre séduisant et sifflable une mélodie qui n’aurait pu être qu’un immense bourbier incompréhensible.
Crédit photo : Facebook officiel Brian Wilson