2021 M01 25
Des Beatles aux Stones, les meilleurs groupes se fondent parfois sur une succession de hasards. À des milliers de kilomètres des deux groupes anglais précités, les Beach Boys ne font pas exception. Comment tout a commencé pour eux ? Par une partie de pêche.
Nous sommes en 1961. Le jeune Dennis Wilson et son cousin Mike Love taquinent l'hameçon à Redondo Pier, en Californie, un spot bien connu des pêcheurs. Dennis, qui pratique régulièrement le surf, s'étonne que la majorité des tubes de surf music, l'une des tendances du moment, soient instrumentaux. Link Wray, Dirk Dale ou encore Duane Eddy passent souvent à la radio, mais il manque quelque chose. Un sens des harmonies, peut-être ? Coup de bol, c'est le point fort de l'un des frères de Dennis, le dénommé Brian. Brian Wilson.
Au total, des frères Wilson, il y en a trois : Dennis, Brian et Carl. Avec le cousin Mike Love et un pote de Brian (Al Jardine), voici donc la naissance des Beach Boys. Le père Wilson, Murray, sent le talent pointer. Qu'à cela ne tienne, à défaut de devenir musicien professionnel, son rêve, il sera manager. Les cinq garçons accèdent grâce à lui à leur premier studio et posent tranquillement leurs premiers titres, dont Luau, chez Dorinda Morgan. Ces premières séances s'écoutent aujourd'hui sur Spotify et prouvent que les Beach Boys avaient les clefs du paradis dès le début.
Alors forcément, question : comment cinq gamins ont-ils réussi à s'accaparer la surf music alors qu'aucun n'a vraiment le physique de David Hasselhoff dans Alerte à Malibu ? Parce qu'ils sont nés pile au bon endroit, au bon moment. Natifs de Hawthorne, dans la banlieue de Los Angeles, l'esprit californien semble couler dans leurs veines. L'adjonction du doo-wop et de mélodies à la fois riches et insouciantes feront le reste ; la bande-son de Happy days et de toutes les séries américaines des sixties sera inspirée par tous leurs canevas harmoniques. Rapidement, les Beach Boys apparaissent sur les transistors et radios de n'importe quelle plage et à chaque fois, le mot surf compte double. Des exemples ? Surfin, premier titre écrit par Brian Wilson et Mike Love. Quelques mois plus tard, c'est Surfin' Safari qui donnera naissance en 1962 à l'album du même nom. L'année suivante, premier énorme tube, Surfin' USA. La fusée Wilson est lancée, elle mettra dix ans à redescendre sur Terre.
I get around, California Girls, All summer long... Les hits s'entassent pour les Wilson, jusqu'au virage que sera "Pet Sounds" en 1966, écrit pour concurrencer très ouvertement les Beatles. Les historiens seraient tentés de dire que les Wilson sont alors en haut de la vague. Progressivement dépassés par la nouvelle scène, les surfeurs aux bonnes vibrations commencent discrètement à boire la tasse. En 1971 paraît un autre de leur sommet, méconnu, le très triste Surf's up, aux paroles prophétiques : "Don'go near the water." Un titre d'ouverture au destin tragique puisque douze ans plus tard, Dennis Wilson meurt noyé après avoir, bourré, passé une après-midi complète à plonger dans la mer californienne pour récupérer les affaires de son ex-femme, jetées trois ans plus tôt depuis son yacht alors qu'il était en plein divorce. Ça sent un peu la fin. Enfin disons, la fin du début.
Les surfeurs sont quarantenaires, bouffis par la drogue et n'ont plus trop la forme pour affronter les vagues. D'engueulades en reformation (la dernière datant de 2012), le groupe continue de surfer sur sa propre légende au point qu'en 2021, alors qu'on fête les 60 ans du groupe, le guitariste Al Jardine promet une tournée mondiale pour les Beach Boys, sans que les autres aient jusque-là confirmé.
Will the Beach Boys do a 60th anniversary tour? The answer depends on which band member you ask https://t.co/AwQbm7hzvN
— Rolling Stone (@RollingStone) January 21, 2021
Dennis et Carl Wilson sont excusés, ils sont morts. Mike Love ne semblait quant à lui pas au courant. Quant à Brian... il est sur une autre planète depuis bien longtemps. Alors, retour des Beach Boys pour un dernier adieu sur la plage ? Nul ne sait. Sans doute serait-ce mieux sans, ça fait longtemps que le groupe n'a plus rien à prouver. Il est, selon le Billboard, le premier à avoir écoulé plus de 100 millions à travers le monde.