C'est quoi ce nouveau style, la jersey drill ?

À la base, le jersey club était un mouvement qui fusionnait hip-hop et musique électronique, et très en vogue à la toute fin des années 90. Et puis est née la jersey drill, soit le mix entre le jersey club et la drill. Le point de bascule a été franchi en 2020, grâce à une vidéo TikTok. Et ni les États-Unis ni la France ne sont épargnés.
  • Dans l’histoire contemporaine de la musique, les fusions entre les genres ont toujours été de mise. Le rap, longtemps boudé, a pourtant infusé dans tous les styles. Ses associations avec le rock ont été nombreuses et fructueuses, tout comme celles avec la musique électronique. C’est de ce deuxième paradigme qu’est né dans l’État du New Jersey, le jersey club. Sous l’impulsion des pionniers DJ Tameil et Tim Dolla, cette musique qui utilise les voix des rappeurs en guise de samples, s’est transformée avec le temps pour devenir aujourd’hui la jersey drill ; la drill étant la dernière tendance à la mode dans le rap game mondial.

    Si l'on remonte aux origines du jersey club, il est obligatoire de préciser qu’il est un dérivé de la ghetto house, un style aux BPM ultra rapides, typique du Chicago du début des années 90. Fondé à l’aube du nouveau millénaire, le jersey est sorti assez vite des frontières de sa ville-berceau, Newark. Une manœuvre rendue possible grâce à une deuxième génération d’ambassadeurs, à l’intérieur de laquelle la DJ, productrice et chanteuse UNiiQU3 occupe une place particulière. Autoproclamée reine du jersey club, la jeune femme a popularisé le genre à une autre échelle, internationale, comme le confirmait la couverture médiatique exceptionnelle qui accompagnait la sortie de sa première mixtape — de Dazed And Confused à The Fader en passant par nos confrères de Trax.

    Dans le sillage d’UNiiQU3, le jersey club a continué à faire son bonhomme de chemin — pléonasme pour ce milieu très masculin. Via les réseaux sociaux, d’autres artistes ont émergé, comme Cookiee Kawaii, contribuant ainsi à faire gagner en intensité le mouvement, le rendant presque « mainstream ». Tout ça, jusqu’à ce qu’un jeune homme de 20 ans apporte sa pierre à l’édifice. Il se nomme Bandmanrill et vient tout droit de… Newark, dans le New Jersey. Il a été le premier a posé avec un flow drill sur une instru jersey club, et bim, la jersey drill était née. Ce morceau s’appelle HEARTBROKEN et est devenu viral sur TikTok.

    Au vu du buzz généré, le rappeur a enchaîné les titres. Mais le mouvement a été réellement « officialisé » lorsqu’un autre artiste, le producteur AceMula, est entré dans la danse. En septembre 2021, le kid également originaire de Newark, a publié l’EP « Jack N Drill ». Sur ce disque à l’allure de manifeste, il pose les bases de ce genre nouveau. Dans une interview obscure, « l’inventeur de la jersey drill » raconte : 

    « Je viens du jersey club […]. En 2020, la drill de New York commençait à devenir de plus en plus populaire. […] je me suis rendu compte que la drill et le jersey club avaient parfois le même BPM. Un jour, j’ai entendu un DJ mixer les deux genres. C’est ce qui m’a inspiré à faire pareil. En parallèle, Bandmanrill a sorti Heartbroken et le jersey club a explosé. Juste après ça, j’ai capté Killa Kherk et Bandmanrill. On a enregistré Jack N Drill, qui est sur mon EP du même nom […]. Et c’est comme ça que la jersey drill est née. »

    Telle une traînée de poudre, cette musique s’est répandue un peu partout aux États-Unis, comme au Texas avec la rappeuse Asian Doll. Plus encore, le mouvement est devenu international, puisqu’il s’est invité chez nous. L’un des premiers Français à s’être engouffré dans la brèche s’appelle Kerchak. Originaire de Bois-Colombes, ce rappeur de 18 ans s’est fait remarquer via Sabor. Un morceau au texte cru, qui a également connu un énorme succès sur TikTok.

    Dans son sillage, mais toujours dans le milieu dit underground — même si Kerchak explose maintenant tous les scores sur les plateformes de streaming — on peut citer le Lillois Sto, auteur de la série de freestyles Jersey Drill #. Et finalement, ce n’était qu’une question de temps avant que les têtes d’affiche ne s’emparent à leur tour de cette musique. Le premier à avoir cédé au chant des sirènes de la jersey a été Gambi, avec son hit Zaza. Difficile d’affirmer que le rappeur de Fontenay-sous-Bois va embrasser ce style sur l’ensemble d’un projet. Mais, au vu de son statut, tout porte à croire que le genre va en inspirer plus d’un. 

    Cette manœuvre permettra-t-elle à la jersey drill de durer ? Rendez-vous dans 5 ans.

    A lire aussi