L’histoire folle de Sergueï Roldouguine, le violoncelliste qui cacherait les millions de Poutine

Un récent procès a mis à jour la relation ambiguë entretenue entre le chef du Kremlin et ce chef d'orchestre de 72 ans, accusé d'avoir déposé plusieurs dizaines de millions d'euros du président Russe sur différents comptes en Suisse.
  • C'est une histoire qui débute en 1977, au sein du KGB. À l'époque, Vladimir Poutine se lie d'amitié avec le frère d'un des agents des services secrets russes : Sergueï Roldouguine, un jeune homme de 26 ans initié dès le plus jeune âge au piano et au violoncelle. Rapidement, les deux comparses deviennent inséparables, quand bien même leurs carrières respectives semblent prendre des directions diamétralement opposées : quand le futur du chef de Kremlin entame son parcours politique, Sergueï accumule les récompenses en festival et les expériences au sein de multiples orchestres philharmoniques.

    « Il est simplement comme un frère pour moi. Avant, quand je n’avais nulle part où aller, j’allais chez lui, j’y dormais et j’y mangeais », raconte Sergueï Roldouguine dans sa biographie. Problème : le violoncelliste n'est pas simplement cet ami qui a présenté à Poutine sa future épouse, ni celui qui accepte d’être le parrain de sa fille. Ces derniers jours, par exemple, on a appris que le concertiste était surtout le « portefeuille » du président russe, cet homme de paille permettant à Poutine de faire transiter des dizaines de millions d’euros sur deux comptes en banque en Suisse.

    Le 30 mars dernier, un tribunal suisse a effectivement reconnu coupables quatre banquiers russes d'avoir laissé Sergueï Roldouguine déposer 45 millions d’euros sur des comptes créés en 2014 et 2016. Une somme loin d’être anodine concernant un homme qui se dit « simple violoncelliste », tellement obsédé à l'idée d'éloigner les soupçons qu'il se présente volontiers comme un homme lambda. « J’ai un appartement, un travail, une voiture et une datcha, mais je ne possède pas des millions de dollars », assurait-il au New York Times, en 2014.

    Il est permis d'en douter : Sergueï Roldouguine est non seulement l'un des actionnaires minoritaires de la Rossiya Bank (la banque de Poutine et ses proches), mais il semble aussi faire partie de ces personnes que le chef du Kremlin utilise comme prête-nom pour cacher sa véritable fortune.

    Si le but du procès était de comprendre comment un chef d'orchestre pouvait disposer d'un tel patrimoine, d'autres faits ont été révélés. Ces derniers jours, on a ainsi appris que les différentes sociétés officiellement gérées par Sergueï Roldouguine avaient servi à financer l'achat de yachts ou d'une station de ski. Sans compter l'argent investi afin d'acquérir des parts dans des entreprises stratégiques, telles que Video Internationale, le grand manitou de la publicité télévisuelle en Russie.

    Impossible pour autant de prétendre que l'affaire est réglée. Dans un entretien à France24, Tyler Kustra, spécialiste des questions de corruption à l’université de Nottingham, se veut même plutôt sceptique sur le sujet :

    « La sanction prononcée est loin d’être à la hauteur de l’enjeu et ne va probablement pas détourner les flux financiers russes illégaux des banques suisses […] Ces banquiers ont, au mieux, préféré ignorer la provenance d’argent qui, très probablement, appartient à un dirigeant sanguinaire et ils mériteraient de payer des amendes bien plus élevées ou d’aller en prison. Pas de s’en tirer avec un simple rappel à l’ordre ».

    De l'art de gérer les montagnes russes, quand on flirte avec la ligne rouge, couleur préférée des "communistes".

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