2021 M02 28
Il peut arriver que pour un premier album, les membres du groupe s'affichent sur la pochette. Mais pas les Arctic Monkeys. Du coup, qui est ce type, ivre, qui fume une cigarette ? Est-ce que c’est le chanteur du groupe ? Pas du tout. Le guitariste ? Non plus. Bassiste, batteur ? Toujours pas. En réalité, le garçon sur la pochette ne fait même pas partie de la formation.
Vu le succès du disque, tous les paparazzi anglais se mettent en chasse pour découvrir qui est cet homme. Ils arrivent à retrouver la photographe : Alexandra Wolkowicz, une Germano-polonaise inconnue au bataillon. Après plusieurs interrogatoires, elle finit par cracher le morceau et révèle qu’il s’agit d’un certain Chris McClure. Lui aussi inconnu au bataillon, une nouvelle enquête s’ouvre au sein de la section rock des médias britanniques. Le bassiste d’Arctic Monkeys, Andy Nicholson, a comme meilleur ami un certain Jon McClure, du groupe Reverend And The Makers. L’homme bourré sur la pochette, c’est le frère de Jon. Il est immédiatement repéré et les médias lui tombent dessus.
Le Guardian l’interviewe, il raconte : "Je connais les copains d’Arctic Monkeys depuis qu’on a 16 ans, on allait aux mêmes concerts, prenait le même bus. Quand ils ont commencé à tourner, ils m’ont demandé d’être le mec qui accordait leurs guitares. La photo, c’était informel, j’ai vu la photographe à 14 heures, elle m’a dit “Va boire, reviens à minuit”, j’étais avec des potes, ils nous ont filé plusieurs centaines de Livres, on a été se murger avec et on est revenus à 2 heures du mat’. Le shooting a commencé, ils m’ont offert du whisky, j’ai gerbé, le shooting a continué. Contrairement au cliché, dans ma tête, tout était flou. J’avais presque oublié tout ça quand j’ai découvert que c’était ma tronche sur la pochette".
Chris McClure (Tea boy friend of the band, frontman of The Violet May) posing for what would become the iconic cover art of Arctic Monkeys’ debut album, “Whatever people say I am, that’s what I’m not”. pic.twitter.com/sudQ2kbFWU
— ari 🏳️🌈⃤ (@sucksitandsee) July 24, 2019
Le disque sort et Chris a enfin dessoûlé. “La gloire m’est tombée dessus, à 19 ans. Alors que tout ce que j’avais fait, c’est m’envoyer du whisky. Mon téléphone n’arrêtait plus de sonner. Toutes les télés d’Angleterre étaient à mes trousses, mais moi j’étais étudiant, et serveur dans un pub. Le Daily Star m’offrait 10 000 £ pour laisser un photographe me suivre en soirée. Dans ma fac, on affichait mon visage dans les chambres, les clubs me réclamaient, Noel Gallagher disait qu’il avait ma gueule dans son salon !”
Malheureusement, l’envers du décor n’est pas aussi drôle : on lui balance des clopes à la tête, on lui crache dessus pour incitation au tabagisme, et Chris s’enfonce dans l’alcoolisme. “J’ai été payé 750 £ pour cette nuit. Quel con : j’aurais dû demander 10 pence de chaque album vendu." Plus tard, il montera son groupe, The Violet May, qui sortira quatre singles en 2010 et n’aura absolument aucun succès. Sacré coup dur.
Le plus fou avec “Whatever People Say I Am, That’s What I’m Not”, c’est qu’il peut être résumé à sa pochette et la trajectoire de Chris McClure. Les chansons surpuissantes de cet album racontent l’alcool, la violence, la célébrité débile, les pubs enfumés et les clubs. Un bien beau disque qui fête ses 15 ans cette année, l’occasion parfaite pour se le réécouter dès maintenant en attendant la réouverture des pubs. Ah oui, Il faut aussi savoir que trois semaines après la sortie du disque, la Chambre des communes votera une loi interdisant la consommation de tabac dans les pubs et clubs du Royaume-Uni. Arctic Monkeys invente alors le délit anticipé. Mais ça, c'est une autre histoire.