L'histoire des 101’ers, le premier groupe de Joe Strummer avant les Clash

Entre 1974 et 1976 à Londres, le premier groupe de Joe Strummer : The 101’ers réussit à se faire un nom. Mais la vague punk est sur le point d’arriver, et le Britannique ne va pas rater le train en marche pour former, avec Mick Jones, Paul Simonon, Keith Levene et Terry Chimes, une nouvelle formation : The Clash. Retour sur la courte carrière de The 101’ers et les débuts du punk anglais.
  • Durant l’année 1975, au pub Elgin situé sur Ladbroke Groove à Londres, un groupe fait sensation. La formation, et son leader Joe Strummer, de son vrai nom John Graham Mellor, mélange des sonorités rock sixties (Them, Stones, Small Faces, etc.) avec du R’n’B. The 101’ers gagne petit à petit une bonne réputation dans la capitale, et fait partie des groupes les plus en vogue du moment. Joe, qui s’invente sur scène un personnage exagéré de rockstar (il balance de la bière sur le public, le confronte, l’insulte, etc.), n’a pas l’intention de se limiter à un seul style, lui qui aime la world music, la soul et les musiques de films. Une envie de croiser les univers qui feront l’une des forces de The Clash par la suite. 

    En 1975, le punk n’a pas encore traversé l’océan Atlantique. C’est au début de l’année 76 que les Sex Pistols commencent à faire du bruit. Beaucoup de bruit. Le numéro du magazine NME de février de la même année, avec la fameuse citation du groupe « En fait, on s’en fout de la musique : on veut le chaos », sera l’une des étincelles qui allumera les premières mèches d'un style furieux. De leur côté, les 101’ers ne ressemblent à personne d’autre. Ce ne sont pas les Who ou les Floyd, ni les Eagles ou Electric Light Orchestra. Ils ne font pas de rock compliqué, ni de glam ou de soft-rock. Ils sont à part.

    La réalité est que la formation est plutôt solide, mais elle se limite à jouer dans l’arrière-salle des pubs. La plupart des chansons sont écrites par Joe, qui n’a pas une voix incroyable, mais qui sait manier un stylo. Et sur scène, il impressionne. Presque tout le monde dans le petit milieu de la musique underground londonienne connaît son nom. Tout est réuni pour que The 101’ers poursuive une carrière : la presse suit avec intérêt le groupe, les fans sont présents et les chansons s’améliorent, même si l’on attend encore un premier album. Il n’arrivera pas puisque le 23 avril 1976, un événement va tout changer. 

    Ce soir-là, The 101’ers joue au Nashville Room, une ancienne salle de concert de Londres. La première partie est assurée par un groupe qui fait parler de lui ces derniers temps, notamment pour détruire les instruments des autres groupes quand ils partagent l'affiche : les Sex Pistols. Ils sont plus jeunes que la majorité des formations qui écument les pubs d’Angleterre. Et plus dangereux aussi. Joe est là quand Rotten et sa bande débarquent pour le soundcheck, et il est déjà impressionné par le groupe, et par leur manager Malcolm McLaren qui dit à tout le monde quoi faire et comment se saper.

    Si The 101’ers a ce petit côté rétro, les Pistols sont l’avenir. Ils sont jeunes, chaotiques, nihilistes, violents, négatifs et arrogants. Tout ce que le groupe de Joe n’est pas. « Après avoir vu ce concert, j’ai compris que The 101’ers était fini », avouera plus tard Strummer, fataliste. 

    Pour Joe, ces punks sont l’inverse de « l’entertainment » qu’il a toujours connu. Et ça lui plaît. Petit à petit, son personnage de rockstar sur scène devient proche de l’attitude adoptée par Rotten, et Joe prend beaucoup de plaisir à copier l’image du leader des Pistols. D’ailleurs, Strummer avait un surnom : Woody. Après avoir vu Lydon sur scène, il ne voulait plus qu’on l’appelle ainsi. C’est le début de sa transformation en vrai punk. Il vire le guitariste de The 101’ers car il ne bougeait pas assez sur scène. Clairement, Joe avait envie d’un peu plus de dynamisme, et le choc Sex Pistols a été intense.

    De leur côté, Mick Jones, Paul Simonon et Keith Levene ont un groupe baptisé London SS. Le hic ? Ils ont besoin d'un chanteur. Un manager du nom de Bernie Rhodes, qui s’est fâché avec Malcolm McLaren, cherche à monter une formation qui viendrait concurrencer les Sex Pistols. Le 12 mai 1976, les trois musiciens vont voir The 101’ers sur scène dans une salle de Londres, le Red Cow. Ils invitent Joe à venir traîner avec eux après le concert. Et puis la suite, vous la connaissez. Au début, ils voulaient s’appeler The Heartdrops. Puis finalement, après une proposition de Simonon, ça sera The Clash. Et le 4 juillet 76, le groupe donne son premier concert à Sheffield, en première partie des Sex Pistols. Là, on peut dire que la boucle est bouclée.