2023 M05 23
Peut-on encore aujourd'hui, dans la musique populaire, être surprenant ? Supposons que oui. Il en découlerait dès lors une seconde question : qui, de nos jours, fait l'effort de jouer avec les codes du hit ultime, les enchainant avec facilité et sans céder à la redite ? À l'évidence, un nom se doit d'être pris en compte, peut-être plus qu'aucun autre : Pharrell. Sa présence sur 4EVA, ce single lancé en éclaireur début avril, rappelle en tout cas sa faculté à créer des tubes sans jamais (trop) se répéter.
Sauf que « Kaytraminé » n'est pas un album de Pharrell. Il s’agit bien du projet commun de Kaytranada et Aminé et, visiblement, les deux collègues n'ont pas particulièrement cherché à prolonger l’ambition de 4EVA. Traduction : le disque n'est pas juste une collection de onze titres implacables, de singles fédérateurs résultant d'une collision entre un génie des platines habitué aux productions élastiques et un rappeur tout en aisance.
« Kaytraminé » est plutôt à l'image de ce que devrait toujours être une collaboration artistique : une partie de plaisir entre deux amis qui s'autorisent quelques kifs personnels (comme convier Snoop Dogg, Freddie Gibbs ou encore Amaarae), ne surjouent pas leur amitié dans d’interviews données à la chaîne, et se montrent bien décidés à n'écouter que leurs envies. Impossible, dès lors, de ne pas adorer cette collaboration. Déjà, parce qu'elle ramène un élément crucial au sein du paysage musical : l'alchimie. Celle de deux artistes qui ont appris à se connaître en 2014 (année où Aminé pose sur un remix d'At All de Kaytranada) avant de se réunir fin 2021, à Malibu, dans l'idée de bosser sur un projet commun.
L'autre raison de tomber en amour de « Kaytraminé », c'est parce qu’il évite le piège de l’album de l’été, radieux, ensoleillé, mais finalement incapable d’être autre chose qu’une collection de tubes. De Who He Iz à STFU3, en passant par K&A et l’ancrage stylistique des invités, c’est d’ailleurs le rap qui l’emporte ici, très loin de ce flow chantonné, entendu sur 4EVA, qu’il aurait peut-être été facile de prolonger afin de transformer l’album en une B.O pour beach party.
Pour profiter pleinement de ces onze morceaux, il est toutefois conseillé de faire comme Kaytranada et Aminé sur la pochette : enfiler une tenue décontractée, se servir une caïpirinha, choper le plus beau transat des environs et se laisser porter par ces mélodies qui embarquent le rap à la plage et le forcent à chiller. D'où cette langueur contagieuse perceptible à l’écoute de Rebuke à Sossaup : deux des sommets d'un disque qui, avec ses synthés gorgés de soleil et ses refrains ivres de plaisir, défend une jolie façon de produire de la musique populaire.