2022 M01 30
Pour Pharrell Williams, Booba ou Kanye West, le monde de la musique est vite devenu trop petit. Très tôt dans leur carrière, ils ont ouvert leur éventail de capacités à la mode, et particulièrement à la création de vêtements. Si dans les décennies 80 et 90 des musiciens s’associaient déjà aux marques de façon officielle, à l’image du groupe Run-DMC qui en 1986 a signé un contrat de plus d’un million de dollars avec Adidas suite à leur morceau My Adidas, le nouveau millénaire a amené avec lui son lot d’innovations.
Loin d’être à l’origine de cette tendance, Pharrell Williams a été plus malin lorsqu’il a sorti sa marque Billionaire Boys Club en 2003. Pour cette occasion, il s’était associé au créateur Nigo — actuellement chez Kenzo, fondateur de la maison A Bathing Ape et instigateur du concept de streetwear de luxe. Fort de ce succès, la paire a lancé un jumeau, ICECREAM, à peine deux ans plus tard. Résolument hip-hop, ces garde-robes proposent des pièces de toutes sortes (t-shirts et sweats imprimés, jeans, blousons et baskets) qui sont produites en série limitée. La rareté a gonflé la demande et Pharrell l’a fait exploser lorsqu’il s’est permis une autoréférence dans le tube Drop It Like It’s Hot — « See these ice cubes, see these ice creams ? »
En France, Booba est incontestablement l’un, si ce n’est le premier à avoir reproduit le schéma. Dès 2004, le Duc de Boulogne a lui aussi lancé sa propre maison de création, Ünkut. De façon similaire à ses homologues américains, le rappeur s’est servi de sa carrière musicale pour faire rayonner sa marque, s’affichant régulièrement dans ses clips, affublé des dernières pièces sorties de l’usine. Avant d’annoncer en novembre 2018 la fin de l’aventure Ünkut causée par un différend avec ses associés, il aura notamment été élu businessman de l’année 2016 par le magazine GQ.
Depuis 2019, il a relancé la machine en créant une autre enseigne, DCNTD (prononcé « Disconnected ») en collaborant cette fois avec le designer allemand Tome, connu pour avoir officié pendant dix ans sur la marque Rocawear de Jay-Z. Outre Booba, on peut mentionner le travail qu’Orelsan fournit avec Avnier (contraction de « avant-dernier »). Une ligne qu’il a cofondé et qui se démarque par sa capacité à être responsable (choix des matières premières, conditions de travail, etc.).
Et bien sûr, il y a Kanye West. Il a commencé par les baskets au milieu des années 2000, notamment chez A Bathing Ape ou Nike en 2008. En 2011, il présente sa première collection de prêt-à-porter à la Fashion Week de Paris. Un loupé monumental au goût de plusieurs journalistes, comme l’écrivait Lisa Armstrong du Daily Telegraph : « Kanye dans la mode ? C’est comme si Karl Lagerfeld commençait une carrière de hip-hop : absurde ! » Insufisant pour décourager le rappeur. Après une brève collaboration avec Jean Touitou chez A.P.C., il annonce en grande pompe sa signature avec Adidas dès 2013. Il faudra attendre 2015 pour que la première basket célébrant cette union voit le jour : la Yeezy Boost 750.
Entre la sortie de cette paire et maintenant, inutile de préciser que ces chaussures estampillées « Yeezy » ont inondé le marché des sneakers et définies un style spécial. Selon Les Échos, ce business aurait permis à l’artiste originaire de Chicago d’amasser une fortune conséquente. Tout ça, jusqu’à son récent dernier coup d’éclat : un partenariat entre le géant américain GAP et les vêtements que Ye développe à côté des baskets. Une liaison qui a fait grimper la valeur des sociétés en flèche, puisque, toujours d’après Les Échos, l’ensemble de la marque Yeezy (Adidas et GAP combinée) a été estimé jusqu’à 4,7 milliards de dollars ; un montant à la hauteur de son ambition.