Jacques Brel a-t-il influencé toute la jeune scène française ?

Le point commun entre David Bowie, Stromae et Scott Walker ? Ils se sont tous inspirés du plus grand des chanteurs belges qui fêterait ses 94 ans cette année. Mais à regarder le classement des artistes francophones de 2023, ils ne sont pas les seuls. Petit passage en revue des musicien.n.e.s qui ont emprunté son chanté-parlé et sa poésie pour faire fleurir de nouveaux morceaux qu'on n'a plus envie de quitter.
  • Eddy de Pretto.

    "Eddy de Pretto est le nouveau Brel". Quand le jeune Français originaire de Créteil perce à la fin des années 2010, impossible de ne pas faire le lien avec l'auteur de Ces gens-là - un titre que par ailleurs il adore. La raison ? Il a grandi avec, sous l'influence de sa mère qui passe en boucle non seulement Brel mais aussi Dalida ou Barbara. Ce qu'il en retiendra pour ses propres chansons, c'est une façon de rouler les R, typique du Bruxellois, mais aussi une écriture aiguisée qui tente la sociologie moderne en moins de 3 minutes, le tout couplé à des influences plus rap et "boobesques". Fun fact : De Pretto a aussi longtemps été comparé à Stromae, premier artiste contemporain à avoir remis Brel sur le devant de scène.

    Hoshi

    Dans le cas de l'auteure de La marinière (43 millions d'écoutes sur Spotify), ce n'est pas la mère qui a fait rentrer Brel à la maison, mais le grand-père. Plus précisément, c'est un vieux vinyle de Jacques qui mènera Hoshi vers la musique, très petite, au point qu'encore aujourd'hui elle avoue sans complexe que des titres comme Mathilde ou Ne me quitte pas la font pleurer à tous les coups. Et comme Eddy de Pretto, si Hoshi a été inspirée par Brel, elle n'en a néanmoins pas oublier de mélanger cette Belgique ancestrale à des éléments pop plus contemporains - la culture manga dans son cas, Hoshi signifiant "étoile" en japonais.

     

     

    Pierre de Maere

    De la liste, c'est l'artiste francophone avec qui la comparaison est la plus facile. Comme Brel, Pierre de Maere vient du plat pays (de moins en moins plat au regard du succès d'Angèle, Damso & co) et comme lui, il affiche une attitude longiligne et une assurance étonnante dans son chant sur le fil. Preuve que la comparaison tient bon, le jeune Belge a même été validé par Booba himself : "Moi j’aime bien franchement c’est original. Mi-matelot. Mi-rugbyman les R un peu roulés à la Brel". Mais quand on demande à l'auteur de Un jour je marierai un ange qui est vraiment son mentor, c'est un autre Belge qui prend le dessus : Stromae.  "Il a changé ma vision de la musique francophone, que je trouvais à l’époque un peu ringarde. Il y a chez Stromae une globalité dans son projet : tout est travaillé". Et l'on se prend à imaginer comment aurait pu sonner la musique de Brel à l'heure d'Instagram et de ChatGPT...

    Zaho de Sagazan

    Nouvel Ovni de la pop française, Zaho vient de publier son premier album "La symphonie des éclairs", et difficile de ne pas créer des ponts avec le grand Jacques. Car celle qui confie que "la pop actuelle ne lui parle pas du tout" avoue également que c'est le Belge décédé en 1978 qui l'a poussé vers un micro. "C’est avec Brel et Barbara que je me suis mise à essayer de comprendre ce qui faisait une bonne chanson, explique-t-elle dans cette interview, parce qu’ils étaient très forts dans leur domaine". Et ici, plutôt que de simplement rouler les R, la Française préfère s'inspirer du chanteur transpirant dans la manière qu'il avait de vivre ses chansons, intensément, jusqu'à ce que les mots ruissellent sur son corps. "Quand j’ai vu Brel, je me suis dit qu’il n’était pas seulement en train de chanter mais de vivre une histoire jusqu’au bout de ses doigts". Mission réussie, notamment sur le morceau éponyme.

    Claes

    Léo Ferré, Eminem, Jacques Brel ou Damso : même combat pour Claes, le Français auteur d'un premier album cette année ("Message vocal") et assez obsédé par le Bruxellois pour reprendre Ces gens-là dans une version plus rap que l'originale, mais tout aussi convainquante. Au textes un peu trop durailles dans la virilité forcée, lui préfère jouer la sensibilité, loin des clichés, renouant ainsi avec la féminité d'un chanteur intemporel dont on n'a pas fini de (re)faire le tour. Brel, nouvelle influence de la musique dite urbaine ? De Bruxelles à Paris, on n'est pas loin de le penser.

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