2021 M09 30
Difficile de le réaliser maintenant, alors que le groupe est aujourd’hui un groupe superstar indéboulonnable. Mais le succès des Red Hot Chili Peppers n’a rien d’évident. Il faut se rappeler les années 80, quand ils étaient un groupe de funk rock aux chansons explicitement sexuelles, avec des tenues de scène consistant en une chaussette sur le pénis et... rien d’autre. Néanmoins, leurs concerts vont séduire à chaque fois le public, et le bouche-à-oreille a permis au groupe de se faire une réputation à Los Angeles. Mais la conquête du monde est loin d’avoir été de tout repos. Malgré des producteurs prestigieux (Andy Gill de Gang Of Four, puis George Clinton de Parliament/Funkadelic), leurs deux premiers albums sont des bides. Le troisième, « The Uplift Mofo Party Plan » en 1987, connaît un début de succès. Mais alors que le groupe semble enfin bien parti, le guitariste Hillel Slovak meurt d’une overdose, et le batteur Jack Irons quitte le groupe. Ca démarre mal.
Pourtant, les deux membres restants, Anthony Kieidis et Flea, parviennent à remonter la pente. L’album « Mother’s Milk » en 1989 est ainsi celui de la transition. Premier disque d’or du groupe, il marque surtout l’arrivée du line up le plus célébré du groupe, avec Chad Smith et John Frusciante. Le groupe semble enfin aux portes du succès, et décide de passer la vitesse supérieure. Pour cela, ils changent de label, passant d’EMI à Warner. Mais surtout, ils font appel au légendaire Rick Rubin pour produire leur cinquième disque, rôle qu’il avait décliné pour « The Uplift Mofo Party Plan ».
Gourou des Beastie Boys, producteur pour LL Cool J comme Slayer, fondateur de Def Jam et artisant de la rencontre entre Run DMC et Aerosmith, le CV de Rubin est déjà impressionnant, et parfaitement adapté à la fusion musclée opérée par les Red Hot entre funk, rock, rap, pop et hard rock. Plus encore, Rubin a su prouver à de nombreuses reprises qu’il sait apporter de la cohérence aux disques qu’il produit.
Pour ça, le producteur participe aux séances de composition de l’album. C’est notamment lui qui pousse Kieidis à montrer les paroles d’Under The Bridge au reste du groupe. Mais la montée en puissance du groupe n’est pas de sa seule responsabilité : après toutes ses difficultés, le groupe semble arrivé au point de maturité. Au niveau des paroles, Kieidis délaisse quelques fois la thématique sexuelle, comme pour Power Of Equality, ou l’aborde de manière plus nuancée dans Breaking The Girl ou Give It Away. Flea, qui reste le pilier musical du groupe, apporte plus de sobriété à son jeu, mettant de côté le slap sur la plupart des morceaux. Quant à Frusciante, il apporte énormément de fraîcheur au groupe, en instaurant un duo créatif avec Flea. Quand un morceau est dans l’impasse, chacun cherche une idée de son côté, et le reste des musiciens choisit la meilleure. Une fois l’écriture finie, les musiciens passent un mois en résidence dans une grande maison aménagée en studio par Rubin (seul Chad Smith refuse d’y passer la nuit).
Et quand l’album sort, c’est l’évidence même : la formule du groupe est parfaitement équilibrée. La principale réussite étant de réussir à rester digeste malgré une fusion entre funk et metal. Et pour couronner le tout, les 17 titres du disque comportent quelques singles puissants, comme Give It Away ou Suck My Kiss, et bien sûr Under The Bridge, devenu un standard, mais aucun ne fait baisser l’intensité du disque. Rétrospectivement, le résultat paraît logique : 15 millions de disques vendus, soit une certification septuple platine. Et la présence de Rick Rubin semble si évidente qu’il rempile sur les cinq disques suivants. En un instant, voilà le groupe devenu superstar.
Pourtant, leur statut d’outsider ne disparaît pas pour autant. Si « Blood Sugar Sex Magik » comporte des mélodies fortes, il reste bien moins pop que nombre de ses successeurs : la formule du groupe est la même que sur les disques précédents, juste portée à maturité. De plus, le costume de superstar est difficile à gérer, surtout pour Frusciante. Sombrant dans la drogue, il quitte le groupe dès 1992, en pleine tournée, ne revenant qu’en 1999 pour « Californication » (le temps pour le groupe de publier le mal aimé « One Hot Minute » en 1995). Comme pour rappeler au groupe ses galères passées.
Parce que les immatures Red Hot Chili Peppers n’étaient pas partis pour durer. Loin du romantisme sombre de Nirvana ou du militantisme de Rage Against The Machine, eux semblaient n’avoir pas grand-chose à offrir. Si ce n’est une chose, peut-être trop sous-estimée : une pure énergie positive. C’est elle qui permettra de les sortir de ce rôle d'éternels deuxièmes, quitte à oublier par la suite cette immaturité qui a fait leur force... jusqu'au teaser de leur tournée des stades prévue pour 2022; même si pour l'heure aucune date française n'a été annoncée.