Il y a 20 ans, Steve Jobs inventait l'iPod et c'était... une révolution

Le 23 octobre 2001, l’iPod était officiellement lancé par Apple. Et personne n’aurait pu anticiper un succès aussi colossal. S’il paraît aujourd’hui désuet, le lecteur audio a profondément marqué tant nos habitudes d’écoute que l’industrie du disque, et même le monde de la tech dans son ensemble.
  • En 2001, Steve Jobs a une revanche à prendre. Évincé de sa propre boîte en 1985, il a fait son grand retour à Apple en 1997 en tant que PDG. Et ses ambitions sont énormes. Cette même année 2001, l’industrie de la musique est au plus mal. Les gens rippent leurs CD et se les transmettent en milliers de copies sur le net. Deux ans plus tôt, Napster ouvrait les portes du Peer To Peer, et malgré son arrêt en juillet 2001, ses clones pullulent désormais. Les chiffres sont en chute libre, et personne ne sait comment aborder le virage numérique.

    Dans le même temps, de premiers lecteurs numériques voient le jour. Mais la plupart ne peuvent contenir qu’une quinzaine de titres. Steve Jobs y voit une opportunité. Dès janvier 2001, Apple lance iTunes, qui n’est alors qu’un gestionnaire de bibliothèque musicale, permettant de classer ses fichiers MP3. En parallèle, le travail sur l’iPod est lancé, avec deux objectifs : tenir dans la poche et pouvoir contenir des centaines de titres. La solution vient de Toshiba, qui crée un disque dur miniature de 5 gigaoctets. Par rapport à la norme de l’époque, cela correspond à 1000 chansons. Immédiatement, Apple en achète l’usage exclusif. La touche finale vient ensuite de la roue pour faire défiler les morceaux.

    Arrive donc le 23 octobre 2001, et le lancement en grande pompe de l’iPod. Durant sa conférence de présentation, Jobs soigne sa mise en scène, concluant en tirant fièrement l’objet de sa poche : « le voici, juste là ». Le succès est déjà énorme, avec près d’un million de ventes dans les premiers mois. Mais la seconde étape de la révolution en cours vient en 2003, avec le lancement de l’iTunes Store. Un site qui permet d’acheter ses morceaux à l’unité, pour moins d’un dollar chacun. D’abord réticentes, les majors du disque finissent par s’y engouffrer. Pour Apple, c’est un moyen d’attirer de nouveaux clients : jusqu’en 2009, les titres achetés sur la boutique peuvent être lus uniquement par un iPod.

    À partir de là, plus rien ne peut arrêter la marque à la pomme. En 2004, la sortie de l’iPod mini les place hors de portée de toute la concurrence. Les déclinaisons suivantes (Nano, Shuffle et Touch) ne font que renforcer la suprématie. Même chose pour l’iTunes Store : en 2007, il représente 70 % du marché du téléchargement légal. Le secteur numérique explose, et Apple s’y est imposé. En 2010, 275 millions d’iPod ont été vendus. Mais le produit a déjà amorcé son déclin : dès 2007, Apple lance l’iPhone, qui reprend les caractéristiques de l’iPod. Progressivement, les smartphones remplacent les lecteurs MP3. En 2014, l’iPod Classic est abandonné, suivis des Nano et Shuffle en 2017. Aujourd’hui, seul subsiste l’iPod Touch, qui se différencie par son accès à l’Apple Store.

    En une dizaine d’années, l’iPod a été au cœur de la métamorphose du marché musical. Il marque le mariage de l’industrie du disque et de la Silicon Valley, deux univers jusque-là farouchement opposés (les seconds défendant en général un accès gratuit à la musique). Si le marché musical a ainsi pu s’adapter plus en douceur au virage numérique, c’est bien entendu Apple qui a le plus gagné dans l’histoire. Aujourd’hui encore, la marque est le premier des GAFA sur la musique, en particulier pour le hardware via ses AirPods. Quant à iTunes, il a évolué vers Apple Music, l’une des rares plateformes à survivre dans l'ombre de Spotify.

    Mais surtout, le produit a acté un changement dans nos habitudes d’époque. L’époque de l’iPod marque une fin de règne pour le format album. Avec le mélange de titres dans la fonction shuffle, la création de playlists où l’achat de titres à l’unité, l’auditeur peut très facilement personnaliser son écoute. C’est aussi l’avènement de la musique nomade, qui induit une écoute plus fragmentée que chez soi. Tout ceci, bien sûr, a préparé le terrain pour l’arrivée des plateformes de streaming à la fin des années 2000, basées sur la même philosophie. À lui seul, l’iPod est le symbole du passage de la musique dans une autre époque.