2019 M12 30
Association de bienfaiteurs. Jay-Z et Timbaland n'ont pas fait beaucoup de morceaux ensemble. Une douzaine, tout au plus. Quasi systématiquement, l'association fait pourtant des étincelles, que ce soit le temps d'un Hola' Hovito, d'un endiablé Dirt Off Your Shoulder, ou des cinq titres réunis sur « Vol.3... Life And Times Of S. Carter ». Pensons ici au tubesque Big Pimpin', basé sur un sample de musique égyptienne et marquant pour ses inclinaisons Dirty South ; à It's Hot (Some Like It Hot), effectivement très chaud avec ses piques lancées à 50 Cent (« I’m about a dollar, what the fuck is 50 cents? ») ; ou encore à Is That Yo Bitch, présent sur l'édition européenne du disque – un morceau enregistré aux côtés de Missy Elliott et Twista, présent pour la première fois sur un blockbuster de rap américain.
King of NYC. Parler de blockbuster lorsqu'on évoque un disque de Jay-Z pourrait paraître logique. Après tout, son compte en banque pourrait lui permettre de faire sa fête à n'importe quelle boutique de luxe. Alors, forcément, Sean Carter a les moyens de se payer ce qu'il se fait de mieux côté producteurs : DJ Premier, Swizz Beatz, Irv Gotti, DJ Clue? et même un Dr. Dre ici engagé le temps d'un refrain – celui de Watch Me.
Mais « Vol.3... Life And Times Of S. Carter » n’a rien d’un projet démesuré au casting clinquant : il est l’album d’un rappeur plus audacieux que jamais, un artiste qui a compris ce qui était en train de se jouer dans le hip-hop (le grand retour de Dre avec « The Chronic 2001 », le renouvellement du son new-yorkais avec DMX et ses Ruff Ryders, ou encore l’émergence du sud des États-Unis, représenté ici par UGK et Juvenile), un hustler prêt à raconter ses pires crapuleries tout en faisant quelques petites confessions pop – Things That U Do avec son refrain chanté, une formule qui fera le succès d’un mec comme Ja Rule peu de temps après.
Entre deux mondes. Tour à tour homme d’affaires et artiste, gentleman et voyou, rappeur et icône pop, Jay-Z officialise avec « Vol.3... Life And Times Of S. Carter » son entrée dans le gotha de l’industrie musicale. Le disque se classe illico en tête des charts, tout comme ses neufs albums solos sortis par la suite.
Tout au long du disque, Jay-Z se veut d’ailleurs prophétique, comme lorsqu’il annonce ce qui se profile au sein du rap américain : l’avènement d’entrepreneurs noirs (à son image, lui qui est désormais à la tête d'un label, Roc-A-Fella, et d'une marque de fringues, Rocawear) prêts à investir différents domaines et à contrôler aussi bien leur image que leur carrière. Pas pour rien, finalement, si l’album suivant, publié en 2000, se nomme « The Dynasty ».