Fauve, Jagwar Ma... Il y a 10 ans, ces groupes étaient les rois du monde

En 2013, on aurait juré que ces artistes allaient devoir se faire greffer des doigts si, à l’avenir, ils souhaitaient compter sur leurs mains le nombre de récompenses glaner. Dix ans plus tard, il faut se rendre à l’évidence : la mainmise sur le paysage musical n’a pas eu lieu. Ce qui n’empêche pas Fauve, Jagwar Ma ou encore Joke d’avoir profondément marqué leur époque.
  • FAUVE ≠ 

    On ne compte plus le nombre de débats houleux qui ont agité les rédactions quand, en 2013, il a fallu se positionner au sujet de FAUVE ≠ : l'EP Blizzard symbolisait-il un réel phénomène ou n'était-ce qu'une vague complainte surjouant le mal-être adolescent ? À l'époque, les Parisiens avaient en tout cas compris avant beaucoup d'autres l'importance de mettre la vidéo, le mystère et les réseaux sociaux au service de chansons économes en effets de manches, qui devaient leur pouvoir de séduction à des textes balancés à vif. L'objectif ? Raconter les troubles intérieurs.

    Ce qu’il en est en 2023 : Un album découpé en deux parties, deux EP's, un live, vingt-trois Bataclan remplit puis, inévitablement, la nécessaire réinvention. Aujourd'hui, une partie des membres de FAUVE ≠ évoluent au sein de Magenta. Ça n'a clairement plus le même impact, ça n'agite plus les débats de fin de soirée, mais ça prolonge une esthétique définie il y a dix ans avec Haut les cœurs et Infirmière.

    Jagwar Ma

    Depuis l'Australie, Jagwar Ma composait une musique où, dans un même souffle, résonnaient les échos et le groove de groupes admirés : The Stone Roses, Beach Boys, Tame Impala, Happy Mondays ou même Foals, qui avait proposé au duo (puis trio) d'assurer leurs premières parties. Sur « Howlin' », leur premier album, les p'tits gars de Sydney ont ainsi empilé toutes ces références, en parfaite minutie mais pas forcément dans le bon ordre, dans des mélodies aux multiples rebondissements, entre atmosphères trippées et refrains qui partent en vrilles. À l'image, malheureusement, de leur carrière...

    Ce qu’il en est en 2023 : Malgré la sortie d'un deuxième album partageant la même ambition que son prédécesseur (« Every Now & Then », 2016), les Australiens ont fini par chuter brutalement de cette vague qui les emménait alors sur les festivals du monde entier. En 2018, il y a bien eu l'envie d'enregistrer un troisième album, en Islande, mais les aléas de la vie en ont voulu autrement. Depuis, Gabriel Winterfield (chant, guitare) a publié quelques singles de surf blues, créé son propre label, tandis que Jono Ma (guitare, beats, synthés, production) a monté un nouveau projet (Mystics, pas vraiment très actif) et proposé des covers de Florian Schneider (Kraftwerk) et Andrew Weatherall. 

    Jake Bugg

    La presse anglaise voyait déjà en ce jeune homme venu de Cliffton, en banlieue de Nottingham, la réponse anglaise (et tardive) au folk de Bob Dylan, voire un digne contemporain de Miles Kane. Malgré un premier album intéressant par intermittence, classique sur la forme mais efficace mélodiquement, le Britannique s'est rapidement transformé en un premier de la classe énervant avec ses refrains bien repassés, ses arrangements sans plis et ses mélodies où s’empilent les références de façon bien trop ordonnée. Avec le temps, on aurait aimé qu’un producteur le fasse dévier du droit chemin : hélas, on attend toujours.

    Ce qu’il en est en 2023 : Le dernier album de Jake Bugg (« Saturday Night, Sunday Morning ») date de 2021 : le Britannique est donc toujours actif, et jouit encore d'une réputation suffisament solide pour attirer à lui des producteurs à succès (le disque a été produit par Andrew Watt, proche d'Ozzy Osbourne, Justin Bieber, Miley Cyrus ou Post Malone). Pourtant, à 28 ans, force est de constater qu'il n'est toujours pas devenu ce songwriter d'exception, et que l'on peine à trouver dans son répertoire un morceau capable de prouver aux nouvelles générations que, oui, le rock peut être autre chose qu'une musique de vieux briscards.

    Temples

    On avait adoré, jusqu’à l’adulation leurs premiers singles, Shelter Song et Colours To Life. On s’était pareillement prosterné à l’écoute de leur relecture du psychédélisme sur « Sun Structures » (2014) et « Volcano » (2017), probablement pensés dans un laboratoire où restaient quelques-unes des éprouvettes ayant été utilisées par Kevin Parker pour définir le son de Tame Impala. Depuis, il y a eu « Hot Motion » (2019) et l’enthousiasme s’est modéré : on parlait alors plus volontiers de bad trip, voire plus simplement d’un groupe enfermé dans ses propres automatismes.

    Ce qu’il en est en 2023 : quand, en septembre dernier, T Walmsley dévoilait un premier single solo (On The Ice), on se disait tous (enfin, ceux qui restent...) que cette nouvelle aventure actait la fin de Temples. Il faut pourtant croire que les Britanniques, autrefois signés sur Heavenly Recordings (King Gizzard & The Lizard Wizard, Mark Lanegan), ont décidé de prolonger le périple commun avec un quatrième album, « Exotico », produit par Sean Lennon et à paraître le 14 avril. Next exit, la gloire ? On aimerait y croire.

    Joke

    Produit par Teki Latex, soutenu par l’actuel manager de Dinos et Dosseh, parfaitement en phase avec la trap naissante, Joke avait tout pour voir son visage être affiché sur des posters trainant au-dessus du lit de nouvelles générations d’auditeurs rap. Pas seulement pour sa gueule d’ange éraflé par la vie, mais aussi parce que le Montpelliérain possédait un style, percutant, visuel et suffisamment influent pour marquer au fer rouge ceux pour qui le rap se doit d'être une musique visionnaire.

    Ce qu’il en est en 2023 : Joke a depuis changé de nom (Ateyaba), reporté à mainte reprises la sortie de son nouvel album et laissé orpheline une nouvelle école du rap français qui, de près ou de loin, lui doit énormément. De Josman à Laylow, d'OBOY à Jorrdee, passant par Kekra ou Hamza, la liste de ses héritiers est effectivement très longue.