2021 M11 15
C'est une partition qui se joue en deux temps. Le premier date de 1957, année de création de Motown par Berry Gordy, grand manitou des billboards américains qui injecta alors une sévère dose de pop dans la soul music à travers des artistes tels que Marvin Gaye, Stevie Wonder, Diana Ross, The Jackson Five et bien d’autres. Le second remonte à juillet 2006, période à laquelle Universal Music France décide de créer la branche française du mythique label américain et d'en confier les clés à.... Diam's.
C'est la première fois que Motown installe des locaux hors des États-Unis et, à en croire Pascal Nègre, alors PDG d'Universal, la nomination de la rappeuse est l'occasion de « donner une réelle identité au futur catalogue ».
À l'époque, tout le monde se fiche de savoir si Diam's a réussi à devenir l'une des figures majeures du rap français grâce à sa couleur de peau - coucou Le Juiice, dont les propos dans le documentaire Reines, diffusé sur CANAL+, ont suscité de vifs débats sur Internet ces derniers jours. « La meilleure rappeuse de France, c’était une blanche, c’était Diam’s, clame-t-elle, l’air convaincu. Et elle a marché, elle est devenue Diam’s parce qu’elle est blanche ».
C'est vrai que nous aussi quand on pense "rappeuse française" on pense Diam's, pas vous ?@chillaofficiel @DavinhorPacman @Lejuiicemusic @IamVickyR_ @jstcallmebibi
— CANAL+ Docs (@CanalplusDocs) November 3, 2021
Reines, pour l'amour du rap, seulement sur @canalplus pic.twitter.com/S69PrEPiNK
Préservée de ces débats, et des questions qui en découlent (comment, dès lors, expliquer l'immense succès de Ninho ou Damso ? L'auteure de « Dans ma bulle », au-delà de son talent pur, était-elle un produit ultra marketé ? Etc.), Diam's, en 2006, subit toutefois les critiques des adeptes de la Motown, qui voient sa nomination comme une « insulte ». Le collectif Les Motowniens ira même jusqu'à publier un communiqué : « Le problème, c’est qu’elle n’a aucune légitimité pour être directrice artistique et on lui donne un patrimoine de la culture noire. Sa seule légitimité est d’avoir un succès populaire et de vendre des disques. À ce moment-là, M Pokora ou Michaël Youn auraient aussi pu être nommés. »
La vérité, c'est que Diam's profitera de cette position pour, à seulement 26 ans, signer de nouveaux artistes (Vitaa, sa fidèle copine, ce qui n'était pas nécessairement une idée de génie..), donner une aura populaire à des groupes évoluant jusqu'ici au sein d'une niche (Hocus Pocus) et permettre l'émergence de nouvelles figures de la soul (Ben l'Oncle Soul). Un bilan pas si dégueu pour une directrice artistique en herbe, mais qui ne l’empêchera pas de tout plaquer au croisement des années 2000 et 2010. Avec cette certitude : « Je suis venue, j’ai vu, j’ai vaincu, puis j’ai fait marche arrière ».