Patrick Bruel a-t-il inventé le rap français ?

Les puristes du genre sortiront sûrement du bois en lisant cet article. Pourtant, lorsque Chagrin d’Amour a dévoilé sa chanson « Chacun fait (c'qui lui plaît) » début 1982, la paire a bel et bien accouché du premier tube rap de l’Hexagone. Et ils n'étaient pas tous seuls en studio. On vous explique le pourquoi du comment.
  • Si l'on vous disait que Patrick Bruel était à l’origine de la diffusion du rap en France, vous y croiriez ? C’est vrai que balancée comme ça, l'information n’est pas facile à digérer. Mais il va falloir vous faire à cette idée, puisque le chanteur est effectivement l'un des instigateurs du genre chez nous. Dans l’ombre du duo Chagrin d’Amour, il a aidé à la confection de Chacun fait (c’qui lui plaît), chanson culte qui emprunte beaucoup d’éléments au rap. 

    Pour remonter aux origines de cette histoire, il faut traverser l’Atlantique. Au début des années 80, Patrick Bruel, le compositeur Gérard Presgurvic, le producteur Yves Martin et le parolier Philippe Bourgoin, habitent à New York. Là-bas, le mouvement hip-hop est bien amorcé et le rap, lui, amplement joué sur les radios FM. Les quatre amis découvrent alors avec intérêt cette nouvelle musique et suivent avec passion l’émergence de groupes comme The Sugarhill Gang.

    Lorsqu’ils rentrent au bercail, à Paris, nos quatre protagonistes sont en train de plancher sur des bouts de morceaux. En pleine session, le producteur de la bande, Yves Martin, interpelle ses collègues : « Ici, il n’y a pas de rap comme aux États-Unis. Pourquoi ne ferions-nous pas la première chanson rap, mais en Français ? » Ni une ni deux, les autres acquiescent et la joyeuse troupe se met au boulot. 

    Afin de créer le tout premier morceau du genre, les amis jettent leur dévolu sur une chanson déjà écrite par Philippe Bourgoin. Son titre, Chacun fait (c’qui lui plaît). Assez vite, en faisant chacun leurs petites affaires, soit sur la mélodie, soit sur les arrangements, soit sur les paroles, ils obtiennent le résultat qu’on connaît tous aujourd’hui. Sauf qu’il y a un problème. Vu que les potes sont tous sous contrats avec des maisons de disques différentes, personne ne peut l’interpréter. 

    C’est ici qu’est prononcé pour la première fois le nom de Grégory Ken. En quelques échanges à peine avec nos quatre personnages principaux, ce musicien et chanteur très identifié dans le milieu des comédies musicales est embarqué sur le projet. Tout ce beau monde se retrouve alors en studio pour l’enregistrement du morceau, mais… au goût de tous, il manque encore quelque chose. 

    À l’approche de la fin de session, la femme de Philippe Bourgoin, l’auteur originel de la chanson, vient rejoindre la petite équipe. Instinctivement, Bruel et compagnie se disent : « C’est ça, il faut ajouter une voix féminine à cette chanson ! » À peine débarqué de New York, voilà que l’Américaine Valli se retrouve en cabine à chanter une deuxième partie de morceau tout juste gribouillée par son mari. Au final, le peu d’argent restant ira dans les poches de Dominique Blanc-Francard qui s’occupera du mixage. 

    Chacun fait (c’qui lui plaît) du duo Chagrin d’Amour sera publié au début de l’année 1982 et connaîtra instantanément un succès colossal. Il sera précurseur aussi. Dans le sillage de cette chanson, en sortiront d’autres, très similaires, puis, enfin, la scène rap français commencera doucement son ascension. On dit merci qui ? Patrick Bruel bien entendu !

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