Faut-il en finir avec les catégories genrées dans les prix musicaux ?

“Meilleur artiste masculin”, “Meilleure artiste féminine”... Ces expressions sont communes aux Victoires de la musique et autres cérémonies honorant les musiciens. Petit à petit, ces classifications tendent à disparaître pour permettre à tous les artistes d’être mis au même niveau.
  • Contrairement aux cérémonies récompensant les films ou les séries, celles de la musique ont décidé d’attribuer des genres à certaines de leurs catégories. Ce procédé est explicable lorsque l’on parle de sport, mais il l’est beaucoup moins quand il s’agit d’art. En quoi un morceau interprété par une femme est-il différent d’un morceau interprété par un homme ? Et pourquoi ces genres doivent-ils être mis dans des cases chacun de leur côté ? Les Brits Awards, cérémonie concernant uniquement les musiciens britanniques, ont tout simplement décidé de supprimer les catégories genrées pour leur édition de 2022. 

    Sam Smith - chanteur anglais aux 30 millions d’albums vendus - a poussé un coup de gueule sur Twitter contre les Brits Awards il y a six mois. “La musique a toujours été synonyme d’unification et pas de division. Célébrons tout le monde, sans distinction de sexe, de race, de capacité, de sexualité ou de classe.” Il faut croire que son message est bien passé, puisqu’à l’approche de la prochaine cérémonie britannique, cette dernière a annoncé la fin des catégories par sexe. Il n’y aura plus de “meilleur artiste masculin” ou “meilleur artiste féminin, mais juste “meilleur artiste”. Le président de la cérémonie anglaise des Brit Awards, Tom March, s’est exprimé sur le sujet : “Il est important que les Brits continuent d'évoluer et visent à être aussi inclusifs que possible. C'est tout à fait le bon moment pour célébrer les artistes pour la musique qu'ils créent, indépendamment de leur sexe.

    En 2015, Christine and the Queens a remporté le prix de l’artiste féminine aux Victoires de la musique. Pourtant, Christine s’identifie en tant que genderqueer, un terme qu’elle définit comme “quelqu'un qui bouleverse les normes de genre et ne s'identifie à aucun des deux genres.” Cela fait 36 ans que la cérémonie française existe et les catégories “artiste féminine” et “artiste masculin de l’année” sont présentes depuis autant de temps. Alors que de l’autre côté de l’Atlantique, les Grammy ont supprimé ces classifications depuis 2011, la France n’avance pas dans ce sens. Mais en 2020, les Victoires ont décidé de retirer les genres… musicaux. L’annonce d’une catégorie “album de l’année” regroupant tous les styles de musique a fait grincer des dents chez certains, notamment sur les inégales nominations entre hommes et femmes. Le président de la cérémonie, Romain Vivien, a répondu : “Ce manque de diversité, il va falloir y travailler.” Presque deux ans plus tard, rien n’a changé.

    Les Grammy Awards ont cessé d’attribuer des genres à leurs nominations dès 2011. Ils sont les premiers parmi les compétitions musicales importantes à avoir franchi ce pas, suivi désormais par les Brits Awards, mais aussi les ARIA Music Awards australiens depuis peu. En France, personne ne s’est encore exprimé quant à une possible suppression des catégories genrées, mais au vu de ce qu’il se passe dans les autres pays, une mutation semble inévitable.

    Il existe une limite à cette nouvelle disposition. Depuis que les genres ont disparu des nominations aux Grammy, 91% des nominations ont été attribuées à des hommes, entre 2013 et 2018. Le fait d’enlever les genres de certaines catégories a pour but de mettre n’importe quel artiste au même niveau qu’un autre, qu’il s’agisse d’un homme, d’une femme ou de quelqu’un qui ne veut être rangé dans aucune de ces deux cases. Mais en faisant cela, les femmes sont susceptibles d’être encore moins représentées et de remporter encore moins de prix que la gent masculine.