Comment Rohff a fait rentrer l'expression "en mode" dans la langue française

Il a beau être présent dans la saison 2 de « Validé » et en préparation d'un nouvel album, c'est avec une vieille expression que Rohff fait l'actu. « En mode », un terme répété une centaine de fois dans un morceau éponyme de 2004 et qui lui permet de jouir aujourd’hui du respect qu'il mérite.
  • On connaît Rohff pour les marques qu'il a laissées dans l'histoire du rap français, les doubles albums mythiques (écoulés à plus de 2 millions d’exemplaires), les pochettes assis sur l'Arc de Triomphe ou l'Hexagone, ses freestyles d'anthologie à la radio et une flopée de morceaux essentiels. On le connaît aussi pour son sens de la rime percutante, jonglant entre des paroles crues et des punchlines imagées, entre un phrasé hérité de la rue et des expressions innovantes : « Ça fait zizir », « Starfuckeuze », « zumba », qui a depuis servi à catégoriser un énième sous-genre du rap français, définissant des morceaux tels que Djadja d'Aya Nakamura, Validée de Booba ou encore Tchikita de JuL.

    Il y a aussi « En mode », tiré d'un morceau du même nom publié en 2004 sur la compilation « Street Lourd Hall Stars » - et non sur l'album « Au-delà de mes limites », sorti un an plus tard, contrairement à ce que prétendent quelques médias visiblement peu curieux.

    À l'époque, l'inspiration de Rohff est en ébullition. Tout lui sourit. Ses albums marchent sur la concurrence, son verbiage impressionne et ses expressions sont reprises dans tous les quartiers de France. Voire au-delà. À l'image d' « en mode » que tout le monde utilise encore aujourd'hui : « Il a très certainement contribué à populariser et à diffuser largement cette expression », estime la linguiste Aurore Vincenti dans un entretien à l'AFP, avant d'élargir son analyse au reste du rap français.

    « C'est une musique qui a une énorme force de frappe, sa popularité garantit une diffusion extrêmement large à cette langue qu'on avait tendance à localiser dans certaines banlieues [...] il y a plus de créativité avec la langue dans les milieux populaires que dans les milieux bourgeois ou élitistes, où on a tendance à reprendre et corriger les enfants qui s'expriment hors du cadre du grammaticalement correct. »

    « En mode » est devenue une expression si populaire qu'elle a fini par être intégrée dans le Petit Robert, sans que Rohff ne soit pour autant crédité, probablement à cause d'une étymologie difficile à établir. Ce qui n'empêche pas le natif des Comores, qui dit avoir appris à parler français à 7 ans en regardant Goldorak, de fanfaroner dans un entretien à l'AFP.

    « Ça m'est venu vers 1993-1994 en jouant au jeu Street Fighter sur Nintendo. Je voulais tout le temps gagner et je jouais avec les différents modes de jeu : mode hard, etc. [...] Ça a marqué les esprits au point de rentrer dans le langage courant. J'ai déjà vu des images de l'Assemblée nationale, de présidents ou de ministres la dire, ce qui en fait sans doute l'expression la plus contagieuse des vingt dernières années ».

    Ou comment, en à peine quatre minutes et trente secondes de pure folie, En mode a fixé l'apogée d'un rappeur de rue tout en annonçant, en creux et avec une certain talent, la naissance imminente d'un lyriciste populaire.