2020 M11 26
Quand vient l’heure de faire le bilan, il y a deux types de personnes. Celles qui mènent une vie bien rangée, sans remous, ni surprises. Et celles qui multiplient les contrepieds et dont il faut en permanence deviner les coups à venir. Diego Maradona, à coup sûr, appartient à la seconde catégorie. Ce n'était pas qu'un immense joueur de football, c'était une icône, un homme capable du geste le plus poétique comme d'un abandon total à la débauche, d'un engagement politique hérité de ses années d'amitité avec Fidel Castro comme d'une vie de luxure et d'excès en tous genres.
Cette dualité est possiblement ce qui a toujours influencé les musiciens qui, depuis les années 1980, n'ont cessé de faire référence au Pibe de Oro, comme s'il s'agissait d'un monument de la pop culture, au même titre que Scarface, Gucci ou Michael Jackson. Dans le rap français, nombreux sont en tout cas les rappeurs à y faire allusion, usant des comparatifs pour se hisser à la hauteur de l’Argentin. C'est Jul qui se prétend être « technique comme Maradona » ; c'est Deen Burbigo qui, à l'instar de ce bon vieux Diego, dit gagner haut la main ; c'est Hamza qui va jusqu'à nommer un de ses morceaux du nom du footballeur ; enfin, c'est Booba qui rappelle son sens de la punchline sur O.G : « Si tu me tends la main, tends-moi celle de Maradona. »
Les rappeurs ne sont pas les seuls à trouver de l'inspiration dans les gestes techniques et le mode de vie de Maradona. Manu Chao est également sous le charme, et c'est presque logiquement qu'il dédie deux morceaux à l'Argentin. Il y a Santa Maradona, sorti en 1994 sur le dernier album de la Mano Negra, où il implore le footballeur de sauver le ballon rond des dérives du capitalisme - en vain, cette année-là, Maradona est exclu du Mondial pour dopage... Il y a aussi La Vida Tombola, placé en conclusion du film Maradona par Kusturica, réalisé par le cinéaste serbe.
« À la base, Kusturica voulait nous filmer en train de chanter l'ancienne de la Mano, Santa Maradona, racontait Manu Chao au JDD. Je trouvais l'exercice un peu facile. J'étais intransigeant là-dessus. Je voulais interpréter une chanson de “La Radiolina”, Mala Fama, mauvaise réputation, ça lui va bien à Diego. Et puis, à Naples, j'ai écrit La vida tombola. Passer deux jours à ses côtés, ça m'a inspiré. Je l'ai écrite en deux heures. Je me suis dit: "Tout le monde le critique, mais ça ne doit pas être facile d'être Diego. Si j'étais à sa place, comment je réagirais?" D'où les paroles: "Si moi j'étais Diego, je vivrais peut-être comme lui". »
Dans le même film, une autre chanson avait marqué les esprits : La Mano de Dios, écrite par Rodrigo Bueno en référence à ce fameux but inscrit de la main par Maradona lors de la Coupe du Monde 1986 - un geste dont se souvient également Benjamin Biolay, qui est allé jusqu'à sampler les commentaires du journaliste Victor Hugo Morales sur Borges Futbol Club en 2016.
La Mano de Dios reste probablement l'une des plus chansons les plus populaires en Argentine, un véritable tube, régulièrement joué en soirées et longtemps classé dans le Top 10 du pays. En Amérique du Sud, ce ne sont d'ailleurs pas les hymnes dédiés à la gloire du footballeur qui manquent. Maradó de Los Piojos, Capitan Pelusa de Los Cafres, Yo Te Sigo des Specials locaux (Los Calzones), voire ce chant de supporter basé sur l'air de Bad Moon Rising de Creedence Clearwater Revival. Tous ces titres n’ont qu’un but : déclarer son attachement à une icône et rappeler, avec un brin de chauvinisme, que « Maradona est plus grand que Pelé ».