2021 M05 12
C’est le genre de groupe qu’on aurait pu défendre ici, et que bien d’autres confrères ont soutenu avant nous. Mais pour le coup, on a été pris de vitesse. Et pas qu’un peu.
Jusque là, les Mad Foxes suivaient un parcours somme toute classique et honorable : faire connaître leur deuxième album, « Ashamed », sorti le 30 avril dernier, via les sites français spécialisés et des passages sur des radios nationales (France Inter, Fip). Puis arrive une première réussite, avec une sélection sur la radio de Seattle KEXP, toujours à l’affût de groupes émergents, et très appréciée des mélomanes autour du monde. Beaucoup connaissent déjà leurs lives, parfois filmés à Rennes à l’occasion des transmusicales. Ici, c’est John Richards, co-directeur des programmes, qui a sélectionné le single Crystal Glass dans son émission matinale.
So awesome to be mentioned by @jimmyfallon on iconic @FallonTonight Show but even cooler to know they support great art like @madfoxesband.
— You Are Not Alone (@djjohnrichards) May 8, 2021
Watch the full performance ▶️ https://t.co/OCu92K1GvH pic.twitter.com/XCWQrVc5lK
Sauf que cette fois, l’émission avait un auditeur spécial : Jimmy Fallon, animateur du Tonight Show, l'une des plus célèbres émissions de télévision des États-Unis. « J’ai adoré le morceau, donc je l’ai shazamé et on a contacté le groupe » raconte le présentateur à son public. Avant de diffuser un court extrait, qui impressionne même Questlove, en charge de l’animation musicale du show. Puis de les diffuser en live, un créneau d’habitude réservé à des artistes comme Weezer, Christine And The Queens ou éventuellement Lous And The Yakuzas (et c'est déjà énorme). Et voilà donc Mad Foxes, dont les titres atteignaient jusque là environ 1000 écoutes sur Spotify, jouant pour des millions de spectateurs. À peine ont-ils le temps de réaliser que ceci n'est pas une blague qu'il faut enregistrer le set, à distance bien sûr (à savoir chez les parents du guitariste du groupe).
Formé en 2016, ce power trio était jusque là habitué à écumer les salles de France (autant dire que la situation actuelle leur pèse particulièrement). Leur spécialité : du rock qui fait un maximum de bruit. Les sonorités empruntent donc tout autant au post-punk (et particulièrement des groupes récents, comme Idles ou Shame) qu’au stoner, au garage ou au grunge. « Nirvana, en terme d’intensité, de songwriting, d’esthétique c’est plus qu’une influence c’est un modèle » explique Lucas, le guitariste. Les paroles, elles, se situent dans la lignée d’Idles, abordant des thématiques comme la masculinité toxique, et le fait de trouver « une place qui puisse être respectueuse de toutes les autres personnes ».
Mais ce qui a particulièrement séduit Jimmy Fallon, c’est le travail de production et de contrastes, en particulier sur le titre programmé dans l’émission, Crystal Glass. Sur une batterie toute en souplesse accompagnée d’une basse hyper saturée, le trio démarre de manière désinvolte, avant que le pont ne fasse exploser les décibels, avec une sonorité particulièrement heavy. Et c’est ce drop, ce moment où la guitare se lâche, cette seconde de folie, qui a fait fondre Fallon. C’est d’ailleurs la principale force de leur deuxième album : réussir à capter la spontanéité et la simplicité des morceaux, sans renoncer à une production poussée. Énergie et décontraction ; c’est l’équilibre entre ces deux pôles qui rend le groupe attachant.
On espère maintenant que cet épisode ne sera pas une anomalie dans leur carrière. Même si, dans tous les cas, ça reste un joli coup de projecteur. On regrette juste que, comme avec Phoenix, les Limiñanas et bien d’autres, il faille que les Américains nous expliquent qu’il y a bel et bien de bons groupes de rock en France. Et qu'ils sont en réalité accessibles à une très large audience.