De Bono à Kanye West, tous ces musiciens salement caricaturés dans South Park

Cela dure depuis déjà 24 ans, et ce n’est pas prêt de s’arrêter : South Park va durer jusqu’à la saison 30, au minimum, selon les derniers contrats signés. Et on peut penser que toutes les stars vont encore en prendre pour leur grade. Notamment Ed Sheeran : bien que n’étant jamais directement apparu dans la série, il a récemment avoué avoir souffert de l’épisode Les Rouquins, diffusé en 2005. Dans celui-ci, l’affreux Eric Cartman s’en prend violemment aux roux, allant jusqu’à affirmé qu’ils n’ont « pas d’âme ». Pour Ed Sheeran, avant ça, « personne ne savait ce qu’était un roux aux États-Unis ». 

D’autres musiciens, eux, ont été ciblés directement. Dans un des premiers épisodes, Parker et Stone, créateurs de la série, s’en prennent à Barbara Streisand. Celle-ci se transforme en robot géant, détruisant la ville, et c’est Robert Smith, chanteur des Cure, qui vient à la rescousse, se transformant en papillon de nuit géant (parodiant les films de monstres japonais).

Dans l’esprit tordu des scénaristes, difficile de dire ce qui relève de la haine gratuite et de l’hommage. Même chose lorsque Korn prend le volant du camion de Scooby-Doo, ou lorsque Radiohead vient humilier le jeune Scott Tenorman, suite à la vengeance de Cartman (toujours lui). Dans ce dernier épisode, l’un des plus célèbres de la série, les musiciens se doublent eux-mêmes. Parker et Stone ont même affirmé que l’idée de faire manger à Tenorman ses parents sous forme de chili vient des Anglais.

Un autre épisode célèbre, diffusé en 1998, a réuni de nombreux musiciens : une parodie du Live Aid. Au lieu de venir en aide aux enfants défavorisés, les musiciens se réunissent ici pour aider le personnage de Chef, lui-même doublé par le légendaire Isaac Hayes. Le casting de l’épisode est saisissant : Joe Strummer, Rancid, Ozzy Osbourne, Ween, Primus (compositeurs du générique de la série), Elton John, Meat Loaf, Rick James, DMX, et Devo. Poussant l’absurde jusqu’au bout, leur apparition a même donné lieu à un véritable album, produit par Rick Rubin.

En revanche, toutes les blagues absurdes de la série ne sont pas purement gratuites. Elles peuvent aussi faire référence à l’actualité, comme dans un épisode du début des années 2000, où Lars Ulrich (alors en lutte contre le site Napster) se lamente de ne pas pouvoir acheter une nouvelle piscine à cause du téléchargement illégal. Même chose lorsque les Jonas Brothers, alors vedettes d’une série Disney Channel, sont dépeints comme esclaves d’une version maléfique de Mickey Mouse. Ou, d’une autre manière, en 2004, quand Michael Jackson se rend incognito à South Park, donnant lieu à de terrifiantes blagues sur la pédophilie. Une nouvelle confirmation que la série ne recule devant rien.

Mais c’est en 2008 qu’ils embrassent à fond l’actualité, en dédiant un épisode à Britney Spears. Celle-ci est la cible régulière de moqueries, sur les medias et en ligne, et les scénaristes de South Park vont, cette fois, prendre son parti. Du moins, à leur manière. Car l’épisode commence avec les protagonistes voulant vendre une photo de la star déféquant sur un écureuil. N’en pouvant plus du harcèlement qu’elle subit, la star se suicide, mais, étrangement, survit avec la moitié du visage en moins. Pourtant, après d’autres péripéties, elle finit sacrifiée par la ville, dans un rituel destiné à améliorer la récolte (parodie de Stephen King).

L’humour scatologique et extrême de la série a atteint un autre sommet avec le bien nommé épisode Gros Caca. Dans celui-ci, l’adulte Randy cherche à obtenir le record du plus gros étron du monde. Or, celui-ci est détenu par Bono, qui, en fin d’épisode, s’avère être non pas le détenteur du record, mais le record lui-même. En effet, Bono est le plus gros étron de la planète. Mauvais goût ultime, et critique violente de l’attitude du chanteur de Bono : c’est tout l’ADN de South Park qui est résumé dans cette blague.

Le personnage de Randy donne lieu à un autre épisode tout aussi délirant, bien que moins virulent. En 2017, dans l’épisode Phénomène Transgenre, les scénaristes imaginent que Lorde serait en réalisé un géologiste de 45 ans vivant dans le Colorado. Dans une étrange distorsion de la réalité, les créateurs lui font même chanter une fausse chanson de Lorde, en réalité interprétée par Sia. Là encore, tout cela part loin (et encore, on omet ici une série de blagues scatophiles), mais au moins, la véritable Lorde l’a plutôt bien pris : « j’ai officiellement été le sujet de deux épisodes de South Park, et c’est bizarre et cool ».

Difficile de dire si Kanye West a eu autant de recul. Tout un épisode lui est dédié, où sa version animée ne comprend pas une blague typique de la série. Alors que le personnage de Ye aime les « fish sticks » (bâtonnets de poisson), un autre lui rétorque qu’il aime les « fish dicks » (bites de poisson), ce qui fait de lui un « poisson gay ». Après une série d’incompréhensions, l’épisode se finit lorsque le rappeur finit par plonger dans la mer, et simuler un acte sexuel avec un poisson. Là encore, rien de surprenant dans l’univers tordu de la série. Le véritable Kanye a affirmé l’avoir pris avec philosophie : « cela m’a blessé, mais que faut-il attendre d’autre de South Park ? Cela m’a fait travailler sur mon propre ego ». Il n’empêche qu’il a ensuite publié le titre Gorgeous, où il chante vouloir « étouffer un auteur de South Park avec un bâtonnet de poisson ». Et on imagine qu’il n’a pas été le seul à en rêver.