2022 M04 4
C’est fini pour Bruce Willis. Atteint de troubles du langage, l’acteur a officiellement mis fin à une belle carrière, qu’on aurait tort de limiter à ses films d’action. Même les nanars enchaînés ces dernières années ne sauraient l’effacer. Mais si ses rôles sont mémorables, beaucoup ont en revanche oublié que l’acteur est également musicien, avec deux albums publiés sur le légendaire label Motown, avant de devenir une star d’action. En revanche, la réussite n’a pas toujours été au rendez-vous.
L’histoire remonte aux prémisses de la carrière de Willis. Encore étudiant en théâtre, il gagne sa vie comme barman, et assure régulièrement l’animation en chantant et jouant de l’harmonica. Une passion pour la musique dont il se sert pour nourrir ses rôles : en 1985, par exemple, le ton léger de la série Clair de Lune lui donne l’occasion de régulièrement assurer des numéros musicaux, et lui permet au passage de remporter un Emmy Award et un Golden Globe en 1987. Au même moment, le public américain découvre également son talent de chanteur dans des publicités pour la marque de vin Seagram. Mais sa carrière musicale est avant tout lié à un rôle : Bruno Radolini.
En 1988, Willis joue dans The Return Of Bruno, faux documentaire diffusé sur HBO. Le fameux Bruno est un chanteur de blues légendaire, admiré par Elton John, Phil Collins, Brian Wilson, Joan Baez, Ringo Starr, les Bee Gees, tous venus tenir leur propre rôle. Leurs interviews se croisent à de fausses images d’archive, parodiant des images cultes : une émission façon Top Of The Pops, le film Woodstock, les clips disco ou le concert façon MTV. Bourré d’humour absurde, le film vaut surtout pour les perruques de Bruce Willis à chaque époque.
Mais surtout, le film est un pur projet meta. Car en parallèle, Bruno sort véritablement un album de rhythm’n’blues chez Motown. Et le casting est très sérieux : Booker T. Jones, prodige de l’orgue, accompagné des Pointer Sisters et des Temptations pour les chœurs. Willis, au chant et à l’harmonica, y reprend Ry Cooder, Joe Cocker et même le thème de James Bond. Mais malgré la bonne volonté de l’acteur, le résultat reste en demi-teinte. On y retrouve tous les clichés de production des années 80 (batterie clinquante, synthés omniprésents), mais surtout Willis, s’il ne démérite pas, est assez limité vocalement. Reste le capital sympathie énorme de l’acteur, et une envie de bien faire qui fait du disque une vraie curiosité kitsch, qui s’écoute sans déplaisir.
L’album connaît un petit succès, notamment le single Respect Yourself, reprise des Staple Singers, tandis qu’Under The Boardwalk, initialement des Drifters, connaît un franc succès au Royaume-Uni. Ce qui donne envie à Willis de rempiler avec un deuxième disque dès 1989, toujours chez Motown. Étrangement nommé « If It Don't Kill You, It Just Makes You Stronger », il comporte cette fois 5 chansons originales. À peine moins kitsch que le premier, le disque est cependant un échec commercial. Il faut dire qu’en deux ans, Bruce Willis a totalement changé de stature. On ne sait pas si ce disque l’a rendu plus fort, mais il a bel et bien tué sa carrière musicale : l’acteur n’a plus rien sorti depuis.
Pour autant, il n’a pas abandonné la musique. Depuis les années 90, il préfère se consacrer à un groupe de blues amateur, The Accelerators, jouant régulièrement dans des cafés et restaurants. En particulier ceux de la chaîne Planet Hollywood, dont il était actionnaire. En 2004, il partageait même la scène avec Billy Preston ou B.B. King pour un concert hommage à Ray Charles. Mais son apparition musicale la plus mémorable reste bien entendu son apparition en tueur à gages dans le clip de Stylo de Gorillaz. Avec une coolitude éternelle.