Wow, le premier album de Tyler, The Creator a déjà 10 piges

Échappé de la meute Odd Future, Tyler, The Creator sort le 10 mai 2011 « Goblin », un premier album sombre et introspectif qui pose les bases de son style.
  • Avant de composer des titres pour Coca-Cola, et de sortir des albums de dingues (« Flower Boy » et « Igor » en tête de liste), Tyler Gregory Okonma est déjà, en 2011, une petite sensation. La raison tient en deux mots : Odd Future, un collectif basé à Los Angeles de 11 artistes tous styles confondus qui sont fans de skate, de films d’horreur à la con et de rap. En quelques mois, grâce à des concerts de folie et deux mixtapes, une bonne partie de l’industrie musicale a les yeux rivés sur ce phénomène hip-hop hybride. Sur Internet, Odd Future a déjà une fanbase solide. Le leader, c’est Tyler (c’est lui qui a formé le collectif). Et le 10 mai 2011, il sort son premier album « Goblin », un peu de moins de deux ans après une première mixtape « Bastard » déjà remarquée par la presse spécialisée, et sorti sans label et sans manager un soir de Noël 2009. Bref, Tyler n’est pas attendu forcément attendu au tournant. Mais il va confirmer tout le bien que l’on pense déjà de lui.

    « Goblin » reprend là où « Bastard » s’était arrêté, mais en plus lugubre, noir et angoissant. Si le garçon est fan de The Neptunes et d’Eminem (ça s’entend dans sa manière de rapper), ses paroles oscillent entre une réalité brute, par exemple l’absence de son père (« My father called me to tell me he loved me / I’d have a better chance of getting Taylor Swift to fuck me »), et la fiction avec le personnage de Dr. TC, un thérapeute et conseiller d'orientation qui revient souvent sur ses trois premiers albums. Sous des airs de monologues avec lui-même, il continue de jouer la provoc’ et d’essayer de vous déstabiliser avec un sarcasme de haut-vol et des paroles taillées pour faire suer une petite goutte sur le front (ça parle de drogues, de sexisme, de meuf, de sexe, de meurtre, de suicide, de violence et de broyer du noir). Âmes sensibles s'abstenir. 

    Un titre sur l’album, avec un clip loin d’être passé inaperçu où il mange un cafard, vomi puis se pend, sort du lot : Yonkers. L’Américain dit l’avoir créé en 8 minutes pour se moquer du hip-hop de New York des années 90. Sur le titre, il taille plusieurs autres artistes, dont Bruno Mars et le rappeur B.o.B. Ça fait mouche : Kanye West est fan, les médias en raffolent et Jimmy Fallon va l’inviter dans son émission pour qu’il vienne chanter le morceau Sandwiches en live. 

    « Goblin » est un disque que l’on peut qualifier d’expérimental. Les codes de la musique mainstream sont aux oubliettes (cherchez un refrain à part sur Radicals avec le fameux « kill people, burn shit, fuck school »), les prods’ détonnent par leur créativité, mais hormis quelques fulgurances (Yonkers, Radicals, Her, Sandwitches, Nightmare), l'album reste difficile à digérer. L’aspect répétitif et monotone prend parfois le dessus et devient, à la longue, lassant. 

    Mais avec cet album, Tyler, The Creator est autant dans la lignée de Salem ou MF DOOM qu’Eminem et Pharrell Williams, créant des ponts entre un rap indépendant et un autre plus mainstream. Un exemple montre bien cette « bipolarité » : sur Yonkers, il chante « Fuck the fame and all the hype » (« j’emmerde la célébrité et toute la hype »). En interview avec The Drone en 2011, il dit : « Je veux devenir le meilleur et être une icône. Quand je vais mourir je veux que les gens pleurent et qu’on affiche des posters de moi dans tout le pays en disant qu’on a perdu un héros […] j’emmerde cette connerie underground ». Difficile de vraiment cerner celui qui se décrit comme un « paradoxe ambulant ». Reste qu'en analysant « Goblin » à la loupe, vous y trouverez sûrement quelques éléments pour mieux appréhender le monde de cet Ovni du rap américain devenu l'un des artistes les plus innovants de ces 10 dernières années.