2022 M11 16
Dans les films américains, faire face à une difficulté n'est pas un problème : un fondu au noir, puis on passe à autre chose. En Angleterre, c'est différent. Là-bas, on aime le second degré, quitte à affronter l’adversité avec autodérision, voire même avec un chouia d'absurdité. À la table de ces petits amuseurs, les gars de Shame ont clairement leurs ronds de serviette : dans le clip de Fingers of Steel, leur dernier single, on les voit ainsi travailler d’arrache-pied à la création de faux comptes sur les réseaux sociaux afin de liker, suivre et commenter leur propre contenu.
Loufoque ? Non, plutôt une critique grinçante du tout à l’égo prônée par l’époque : « L’obsession de soi, la flagellation sur les réseaux sociaux et la mort sont les sujets de cette performance digne d’une nomination aux Oscars, explique le leader, Charlie Steen, visiblement prêt à rouler des mécaniques. Personne n'a jamais fait une vidéo comme celle-ci auparavant et quand vous la regarderez, vous comprendrez pourquoi. Pensez au film Casablanca, mais en couleur, et en mieux. »
Côté surréaliste, il y a aussi cette pochette, conçue par l'artiste Marcel Dzama : une peinture censée symboliser le « quotidien farfelu et fantastique dans lequel nous vivons ». C'est que « Food For Worms », « la Lamborghini des albums de Shame », est plus intéressé par l'état du monde et la notion d'amitié que par l'introspection, cette plongée dans l'intime qui caractérisait « Drunk Tank Pink », dernier album en date, classé dans le Top 10 au Royaume-Uni.
Produit par Flood (Nick Cave, U2, PJ Harvey, Foals), ce troisième long-format, que le groupe situe entre Lou Reed et Blumfeld, est en tout cas intelligemment teasé par Fingers of Steel : un premier single mordant qui, à défaut de propulser le rock dans le futur, se révèle aussi touffu que tout fou.