Soutenu par Damso, Kobo veut mettre le rap à ses pieds

Après un premier album injustement passé sous les radars (« Période d’essai », 2019), le Bruxellois a pris le temps de peaufiner son style et sa direction artistique. Désormais soutenu par Damso, un ami de longue date, Kobo compte bien faire d’« Anagenèse » une référence.
  • On dit que les gens qui doutent se réfugient dans la littérature. Mais il existe évidemment d’autres possibilités : les thérapies, la malbouffe, l’exil. Cette dernière option est visiblement celle choisit par Kobo peu après la sortie de « Période d’essai ». C’était en 2019, c’était son premier album et tout semblait plutôt bien parti jusqu’à ce que la Covid-19 ne vienne mettre à mal les plans en cours : « Une partie de la tournée a été annulée, des collaborations sont tombées à l’eau et l’horizon s’est peu à peu bouché pour un artiste en développement comme moi. Dès lors, je suis retourné dans ma famille, au Congo, pendant sept mois. Durant cette période, j’ai réfléchi à mon art, à ma vision, à ma direction artistique et à ce business. Aussi, j’ai signé en édition sur le label de Damso, ce qui m’a permis de bien préparer la sortie de ce deuxième album. »

    La rencontre avec le Dem’s ne date pas d’hier : Kobo et lui se connaissent depuis près de 15 ans, bien avant « Batterie faible », les tournées sold out et les disques de platine. Fatalement, les deux comparses partagent un certain nombre de points communs : leur pays d’origine (le Congo), la weed comme moyen d’évasion, l’attrait du « nwaar », les petits plaisirs qui lézardent les solitudes ou encore l’amour des mots compliqués . Kobo, lui, a opté pour « Anagenèse » comme titre pour son deuxième album, manière de dire qu’il renaît ici sous une forme nouvelle. Ou plutôt, une version augmentée.

    « J’ai réellement l’impression d’être un rappeur nouveau, en phase avec les différentes définitions du mot anagenèse : ce disque, c’est donc à la fois une renaissance, une transformation et une régénération. D’où le concept de l’album, qui raconte toutes les étapes par lesquelles je suis passé pour être la personne actuelle. Il y a d’abord des réflexions menées depuis le ventre de ma mère (Prénatalité), l’arrivée dans un monde violent (Fucked Up), la certitude de devoir positiver (Carpe Diem), le studio comme abri vis-à-vis du monde extérieur (Studio), les tentations de la rue (Ghetto), l’envie de penser à long terme (Demain), les romances brisées, etc. »

    Outre Damso, c’est surtout auprès d’une armada de beatmakers que Kobo a pensé ce deuxième long-format. Il y a déjà la garde rapprochée de l’auteur d’ « Ipséité » (Ponko, Prinzly), mais aussi Junior Alaprod, Boumidjal, Ikaz Boi ou encore Dolfa et Don Moja : autant d’architectes du son dont la présence tranche avec la conception de « Période d’essai », plus solitaire.

    « Là, tout était davantage dans le partage. Lors d’une grosse résidence au studio ICP à Bruxelles, on profitait de chaque session pour boucler un ou plusieurs morceaux. Par exemple, les quatre premiers titres de l’album sont nés en à peine deux jours. »

    Chez Kobo, le ton est toujours calme, posé, réfléchi. Pas du genre à se précipiter, le Belge est plutôt minutieux, soucieux du moindre détail, conscient que son rythme de travail et son attachement au format album peut dérouter au sein d’une époque plongée dans un flux ininterrompu de sorties : « Il faut avoir le courage d’aller à contre-courant, dit-il, persuadé de ne jamais tomber dans le piège du fan-service. Il faut que la direction artistique me corresponde totalement pour que je décide de sortir sortir un projet. Envoyer des sons juste pour satisfaire un public ne m’intéresse pas. Je n’ai pas envie de répondre à des attentes qui, quoiqu’il arrive, ne seront jamais comblées chez tout le monde. »

    Certains appellent ça l’expérience ; d’autres préfèrent plutôt évoquer l’ambition. La vérité se trouve probablement au milieu, et c’est justement dans cet entre-deux que Kobo a choisi de tremper sa plume, toujours plus amère au sujet de la nature humaine. « J'veux rester ici, dans liquide amniotique », confie-t-il dès l'intro. On se dit alors que le Belge est un artiste tourmenté, pudique, tellement déçu des autres qu’il excelle dans l’art de poser un regard cru sur l’être humain, ses vices et ses vertus, persuadé par exemple de devoir « fuir la réalité pour pouvoir me soigner », convaincu que sa vie est « scénarisée, destinée et manipulée ». Une certitude qui, heureusement, ne l'empêche pas de se montrer grisant, voire franchement surprenant par instants - notamment dans le choix des prods et la tonalité de la voix, différente d'un morceau à l'autre.

     

    « Anagenèse » a beau encourager une écoute de A à Z afin d’être pleinement compris, cela n’empêche pas certaines intentions d’emporter la mise, notamment sur Exister, qui synthétise en trois minutes et trente secondes les trois dernières années de Kobo : un rappeur de 29 ans qui, après plusieurs mois de remises en question et de recherches, étale ici son identité plurielle et laisse couler sa plume noire le temps de dix-huit morceaux où cohabitent en toute harmonie le banal, la déprime, les peines sentimentales, les mauvaises tentations et la volonté de « croire en la toute-puissance ».

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