Qui es-tu Gwendoline, duo rennais prêt à défoncer la France en marche ?

Annoncé pour le 14 janvier, « Après c’est gobelet », le premier album du duo rennais empeste le déclin, l'amertume et les grosses bitures que l'on se colle pour tromper l'ennui. Et c'est précisément ce qui donne son indéniable puissance à ce qu'ils nomment eux-mêmes de la « shlag wave ».
  • À l’origine, tout est parti d’un délire : l’envie de chanter la lose, sans trop réfléchir ni conceptualiser une musique que Pierre et Micka imaginent à peine pouvoir défendre dans les rades les plus miteux de Bretagne. On est alors au début des années 2010, et il n’y a aucune prétention artistique, la cold wave marque juste l’humeur et l’attitude de deux jeunes hommes à un moment donné, parce qu’il faut bien sortir d’un quotidien assommant. Alors, Pierre et Micka écrivent et balancent leurs idées d’une traite, parfois simplement pour briser l’ennui d’une froide journée en Bretagne.

    L’oisiveté, comme dit l’adage, ne tarde pas à charrier son lot de déceptions et de mauvais choix. Il faut marquer une pause, faire les choses différemment. D’où l’idée, en 2017, de créer Gwendoline. Comme ça, juste histoire de rappeler qu’ils « n’en ont rien à foutre », d'uriner poliment sur la gentrification et les bobos, de cracher sur la scène underground et d’écumer les bars dans l'idée d'offrir un écho à toutes ces réflexions de comptoir.  

    Tout se passe dès lors comme si les neuf morceaux réunis sur « Après c’est le gobelet », certainement composés après avoir écouté d'autres glorieux incompétents (A Certain Radio ? Bérurier Noir ? Buzzocks ?), prolongeaient l’idée développée par Renaud en 1978, dans un reportage sur France 2 : « Les bistrots, c'est le lieu de communication privilégié pour les jeunes. C'est là qu'on construit le monde, qu'on le détruit, qu'on le refait, qu'on rêve, qu'on s'exprime. » Ainsi, chaque texte de Gwendoline sonne comme une vérité froide, sans espoir ni lueur, sinon celle d’un réverbère crépitant dans une obscurité qui laisse à penser que la nuit sera longue et remplie de constats fatalistes.

    L’erreur serait toutefois de ne voir en Gwendoline que des pleurnichards, une sorte de version nihiliste de FAUVE ≠ (oui, on a déjà lu cette comparaison...). Rien n'est plus faux. Pierre et Micka, ce sont simplement de braves types de la France banale qui ont eu la chance de recevoir un talent inhabituel : celui de raconter avec talent - c’est-à-dire avec nonchalance, désenchantement et ironie - cette classe moyenne qui n’a d’autres choix que de se réjouir des chèques vacances, « ces éviers à déboucher en lendemain de soirée », ces adeptes du consensus et ces « cons qui sucent », cette peur de se sentir bien et toutes ces soirées passées à niquer « notre RSA ».

    C'est dans ce portrait peu flatteur de la France en marge que réside la force de ce premier album, initialement autoproduit. Ce qui n'enlève rien à cette musicalité, à cette tension permanente, née d'un mélange efficace de rock cinglant, de rythmiques percutantes, d'ambiances caverneuses et d’atmosphères nerveuses, toujours à la limite de l'implosion et souvent portées par des refrains semblables à des hymnes. « Rendez-vous au PMU, à 8 heures du matin », entonne le duo sur Audi RTT, sans doute le morceau le plus immédiatement fédérateur de « Après c'est le gobelet ». Celui qui rappelle que Gwendoline ne cherche pas tant à saper le moral qu'à rassembler les foules au sein d'un même mouvement : la « shlag wave ».

    La sortie d'« Après c'est gobelet » (MEGA / Believe / Bigwax) est prévue pour le 14 janvier.