2023 M02 27
Il est dit que ce premier album a été envisagé comme un « voyage introspectif ». C'est sympathique, assez vrai, mais cela tient presque du lieu commun, d'un argument marketing qui ne parvient pas à définir pleinement cette musique aussi éblouissante sur la forme que terrible dans le fond : celle d'un jeune homme, Dajak, blessé, solitaire, parfois amer, mais toujours résilient. Un touche-à-tout qui profite de chaque titre, capable de prendre la forme d'une comptine mélancolique ou d'une ballade fièvreuse, pour évoquer le manque, l'amour tourmenté, les irréparables blessures et l'impossible continuation. Sans jamais sombrer dans le pathos : « Les larmes du soleil », à l'inverse, est plutôt à entendre comme une énième et belle variation du dicton Nietzschéen « ce qui ne te tue pas te rend plus fort ».
L'image que renvoie Dajak dans le miroir n'est toutefois pas celle du premier venu. Ces dix dernières années, le Parisien a traîné dans les sounds systems, fait des études en musicologie, publié quelques EPs et s'est replongé dans tous ces disques des années 1970 qui ont marqué durablement son oreille, notamment ceux de Pink Floyd (et peut-être un peu ceux de Christophe !). Ainsi, Dajak s'est éloigné petit à petit de son premier amour, le reggae. Il a fallu trouver son propre style, explorer de nouveaux horizons, aborder différemment sa technique vocale.
Son premier album, « Les larmes du soleil », est donc beaucoup de choses à la fois. C'est, d'abord, après plusieurs années à tâtonner, la promesse d'un nouveau départ pour l'auteur-compositeur-interprète. C'est également, par ses arrangements hérités du rock, sa recherche de l'émotion et ses nappes d'ambient, la preuve que Dajak prête autant d'attention à la profondeur de ses textes qu'à la richesse de ses mélodies, tantôt analogiques, tantôt acoustiques. Enfin, et surtout, c'est un disque qui prend la forme d'un élégant recueil de confessions, un bouleversant hommage à ses conflits intimes.
« Casanier, mais fenêtre ouverte sur le monde entier », chantait Oxmo Puccino en 2001. Vingt-deux ans plus tard, Dajak défend la même approche : à l'entendre, « Les larmes du soleil » a été essentiellement composé chez lui, dans une petite chambre où seule une fenêtre sur l'extérieur nourrissait son inspiration, en même temps que ses rêves d'ailleurs, d'amour, de nature et de cet océan que l'on croit entendre en arrière-fond. C’est dire la beauté des images qui viennent en tête à l’écoute de cette production réverbérée, de ces morceaux qui accordent toute sa place à l’instrumentation, parsemée de microdétails électroniques, de textures atmosphériques et, parfois, comme sur le génial RODÉO, d'orchestrations ambitieuses.
C'est dire à quel point les couleurs crépusculaires de HOODIEBLACK, la tristesse au fond des yeux ou les réflexions introspectives (« J’sais plus vraiment où je vais/C’est soit je taille ou bien je crève/Bientôt j’aurai tout le ciel/Celui qu’on voit pour de vrai/Celui qui nous promet qu’à la fin tout ira bien ») masquent mal l'optimisme de ces neuf morceaux, cette pulsion de vie qui finit par emporter la mise et incite les auditeurs à agir dans un même but : faire de ces « Larmes du soleil » une œuvre populaire.