2022 M11 8
Les sessions d'enregistrement des Beatles ont beau avoir été disséquées à maintes reprises, il existe encore des zones d'ombre. Ou du moins, des anecdotes moins connues du grand public. À propos de A Day In The Life, par exemple, on évoque trop peu souvent le rôle primordial joué par George Martin dans la conception de ce morceau mythique de la discographie des Fab Four. Selon la légende, ce serait même la seule fois où John Lennon et Paul McCartney auraient vu leur choix contesté par leur producteur.
« Vous ne pouvez pas convoquer 90 musiciens juste pour quelques mesures », aurait rétorqué le cinquième membre du groupe après avoir entendu les deux compères échanger autour de leur idée initiale : convoquer un orchestre symphonique chargé de sublimer les dernières notes de la chanson. Les cuivres sont là, certes, mais ils ont été enregistrés d’après une astuce de ce bon vieux George : réunir 45 instrumentistes et doubler la piste de chacun d'entre eux.
À l'instar d'un grand nombre de classiques de la pop music, A Day In The Life contient bien d'autres secrets : il y a ces allusions à peine cachées à la drogue (« I’d love to turn you on »), la présence des Stones et de Donovan lors de l'enregistrement de la première maquette de la chanson, ou encore ce bruit d'horloge immortalisé alors que l'objet n'était là que pour aider le groupe à marquer la mesure de chaque temps.
L'anecdote la plus folle est toutefois offerte par Geoff Emerick. Dans son livre, En studio avec les Beatles (éditions Le Mot et le Reste), l'ingénieur du son met en effet l'accent sur un petit détail largement passé inaperçu, et pourtant à l'origine d'un bref moment de tension entre Ringo Starr et Paul McCartney : « Sur l'un des overdubs, Ringo a changé de position très légèrement, ce qui a fait grincer sa chaussure. Cela s'est produit, bien sûr, pile au moment où l'on entendait le bruit d'une épingle tomber. Paul lui a balancé illico un regard de travers et, d'après l'expression de son visage, je peux affirmer que Ringo était terrifié. »
Ce bruit, perceptible à environ 4'50 d'A Day In The Life, est très bref, et ressemble finalement plus à un grincement de chaise. Qu’importe, il permet de comprendre à quel point les Beatles, derrière leur quête de perfection en studio, aimaient également laisser tel quel tout ce qui résultait de leur jeu : les respirations, les bruits d’horloge et, donc, les grincements. « Qu’il en soit ainsi », aimaient-ils dire. Let it be dans la langue de Shakespeare.