2023 M11 23
La flûte, on en garde tous des souvenirs peu enthousiasmants. Ça nous rappelle le collège et les cours de musique avec une flûte à bec blanche, quand on tentait maladroitement de boucher les huit petits trous avec nos doigts sans vraiment savoir ce qu’on faisait. Et si depuis, le ministère de l’Éducation a supprimé l’apprentissage de cet instrument à l’école, la flûte n’est pas pour autant boudée en musique, loin de là. Mieux : elle a récemment fait un come-back en force dans le « music game », portée par le hip-hop américain.
Mais isons-le franchement : la flûte n’a jamais été méga cool. Mais que ce soit avec les Beatles (sur You’ve Got to Hide Your Love Away), Canned Heat (Goin' up the Country), Genenis (Dusk), Jethro Tull (le plus obvious), Herbie Hancock (le Watermelon Man de 1973) ou encore Traffic (Rainmaker), elle a toujours été dispersée depuis plus de 60 ans, naviguant entre les styles. Elle s’est également frayée un chemin dans la musique dite minimaliste, expérimentale et ambient (Laraaji, Lapalux, Pharoah Sanders, Stuart Boogie, etc.). Mais de là à dire que la flûte peut donner autant de plaisir d’un bon solo de guitare, il y a encore de la marge pour les six cordes.
Si on parle pas mal de la flûte en ce moment, c'est notamment grâce au hip-hop. Avec l’émergence du sampling, les rappeurs des années 90's ont commencé à isoler des parties jouées à la flûte, à la marge. Il y a eu, par exemple, Snoop Dogg (Tha Shiznit), les Beastie Boys (Sure Shot), Common (Tricks Up My Sleeve), Talib Kweli (Waitin' For The DJ) ou encore Timbaland (Indian Flute).
Mais depuis une dizaine d’années, la flûte est remise « au goût du jour » par le monde du hip-hop américain, comme l’explique le magazine Rolling Stone dans cet article. On pense au titre Mask Off de Future (2017), X de 21 Savages (2016), Praise The Lord d’A$AP Rocky (2018), Antidote de Migos (2014) ou encore à Tunnel Vision de Kodak Black (2017), sans oublier Lizzo — actuellement accusée de harcèlement sexuel et racial par des membres de son équipe —, qui est flûtiste et qui a souvent incorporé cet instrument dans sa musique (Heaven Help Me par exemple). Depuis 2017, les médias s'intérrogent sur le phénomène « flûte x hip hop », comme on peut le lire ici ou encore là. Et en l'espace de six ans, cet instrument a continué d'inspirer le rap US, avec plus récemment Tyler, The Creator en 2021 sur Hot Wind Blows ou DaBaby sur Red Light Green Light.
Si Lizzo est celle qui a redonné ses ailes à la flûte, un producteur, Metro Boomin, est aussi (en partie) responsable de cette hype, notamment en samplant des anciennes chansons des années 70. Mais s’il est l’origine de nombreux hits avec de la flûte, il se défend d’être vraiment dans l’originalité : « le hip-hop, c’est comme la mode : les tendances vont et viennent. Je ne vais pas dire que je suis le mec qui a inventé la flûte. En grandissant, les riffs de flûte étaient très présents dans le rap de l'époque. C'est ce que j'ai écouté. Ça m’a inspiré et influencé pour remettre ce son en avant », a déclaré l’Américain en 2017 dans une interview avec Highsnobiety.
Ian Anderson, flûtiste des mythiques Jethro Tull, tente d’expliquer la raison de la popularité de la flûte dans le hip-hop US : « peut-être que les rapppeurs l’aiment parce que c'est un instrument associé à la musique classique et quelque chose de plutôt raffiné musicalement », lance le musicien à Rolling Stone.
Chacun aura son avis sur cette « mode », mais le fait est que la flûte a le vent en poupe. Le 17 novembre 2023, André 3000, connu pour son œuvre au sein d’OutKast, a sorti son premier album solo. Cela faisait 17 ans que les fans l’attendaient et l’Américain est revenu avec un disque en hommage à cet instrument maudit. Il a expliqué, en interviews, qu’il n’était plus dans le rap, qu’il n’avait rien à dire et que son dada du moment, c’est de jouer de... la flûte.
Et même si cet album n’a rien d’une révolution musicale, il permettra sûrement d’ouvrir des portes et de mettre la lumière sur une musique moins mainstream et moins grand public. Mais surtout, ce disque arrive à un moment où la flûte, qu’elle soit traversière, basse, maya, à bec ou alto, est dans toutes les bouches. Plus de 230 ans après la Flûte Enchantée de Mozart, cet instrument n’a donc pas fini de nous bercer les oreilles. Et ça laisse à Kylian Mbappé, joueur de flûte traversère, une porte de sortie après sa carrière de footballeur.