2021 M10 26
Quand en 2010, Joe Steinhardt, co-fondateur du label Don Giovanni Records, trouve par hasard une copie de l’album « Electric Warriors » chez un disquaire, il n’en croit pas ses oreilles. Et surtout, il veut savoir qui se cache derrière ce hard rock bien trempé. En faisant quelques recherches, il apprend que la formation s’appelle Winterhawk (les faucons d’hiver), et qu’elle est originaire de Chicago. Joe devient obsédé par ce disque, et se met en tête de traquer les membres du groupe afin de sortir une réédition du disque. Il finit par contacter Alfonso Kolb, l’un des musiciens de Winterhawk, qui lui raconte l’histoire du groupe. Mais ce n’est que durant la pandémie de 2020 que Joe trouve le temps de s’atteler à ce projet de réédition concernant les deux premiers albums du groupe, « Electric Warriors » sorti en 1979 et « Dog Soldier » publié l’année suivante en 1980.
Si techniquement, Winterhawk était solide, le groupe utilisait surtout la musique pour délivrer des messages importants, et parler à la jeunesse amérindienne. Les chansons de ces faucons évoquent l’alcoolisme et les dangers de la boisson (visiblement un fléau dans les réserves indiennes), la protection de l’environnement ainsi que les thématiques inhérentes à leur communauté (l’intégration, les traditions, leur relation avec les blancs, etc.). Comme à l’époque, la tendance est au hard rock, pour toucher les jeunes et délivrer leur message, Winterhawk s’y colle aussi. Mais la formation n’oublie pas ses origines, et infuse, par exemple dans la manière de jouer de la batterie, des rythmes qui renvoient aux musiques indiennes traditionnelles.
En 1978, le groupe, composé de Nik Alexander (chant), Alfonso Kolb (batterie), Frank Diaz de Leon (basse) et Frankie Joe (guitare), se rend au Nouveau-Mexique, plus précisément à Albuquerque, pour enregistrer un premier album, qui sortira sur le petit label Mother Earth Records (une copie originale de ce disque est à vendre plus de 1000 euros sur le site spécialisé Discogs). Le disque, intitulé « Electric Warriors », n’atteint pas les premières places des charts. Mais il permet à Winterhawk de prendre la route pour faire ses premières tournées à travers les USA et le Canada et de jouer aux côtés de XIT (une autre formation de rock amérindienne, qui a sorti deux disques sur la Motown), de Metallica (quand ils n’étaient pas encore connus) ou encore Johnny Winter.
Mais ce qui plaisait le plus au groupe, c’était de se rendre dans les réserves et les écoles indiennes pour discuter avec les jeunes, et jouer pour eux des concerts privés, comme Alfonso l’explique dans cette interview pour Bandcamp. « Nous allions dans les écoles et nous faisions des séminaires avant les concerts. Nous parlions à ces enfants indiens, qui venaient de tribus différentes, et le fil conducteur était ce qu’ils traversaient dans leur vie : la violence domestique, l'alcoolisme, les grossesses chez les adolescentes, le suicide, le manque d’éducation. »
En 1982, les musiciens sortent leur disque le plus connu, « Revival », puis au milieu des années 80, la formation finit par tirer sa révérence. Winterhawk n’était pas le seul groupe de rock amérindien (XIT, Redbone, Navajo Sundowners, Wingate Valley Boys, etc.), mais son style, entre Rush et Black Sabbath, et ses messages puissants, résonnent à nouveau en 2021. Et tout ça grâce à un vinyle trouvé dans le bac d’un disquaire.