Et si l'avenir de la pop française venait de Saint-Étienne ?

Ils sont issus de la même génération, viennent tous de dévoiler de nouveaux projets et semblent envisager leur musique comme un moyen d'éviter la chute en avant. Eux, ce sont Terrenoire, Fils Cara, Zed Yun Pavarotti, La Belle Vie et Felower, cinq entités prêtes à imposer Saint-Étienne sur la cartographie pop de l'Hexagone.
  • Terrenoire

    Raphaël et Théo Herrerias disent être influencés aussi bien par Bashung que par Radiohead, et c’est vrai que l’on retrouve cette ultra sensibilité chez les deux frères, cette même façon de frapper fort au cœur à chaque morceau. Forcément intime et profond.

    À l'image de leur premier album, « Les forces contraires », marqué par le décès de leur père (survenu en 2018). On note cette foutue mélancolie qui jamais ne s'estompe et cette naïveté qui, parfois, opère ses charmes (Mon âme sera vraiment belle pour toi). Une des chansons de Terrenoire s'appelle Ça va aller, c'est exactement l'expression que l'on aimerait leur dire si jamais ils venaient à douter de leur avenir.

    Zed Yun Pavarotti

    Depuis qu’on a découvert « Grand Zéro » en 2018, on est intrigué par ce rappeur trop discret, mélancolique dans le propos et extrêmement mélodique dans le son. C’était déjà le cas en 2019 avec la mixtape « French Cash ». Ça l’est de nouveau avec ce premier long-format marqué par l’héritage de Saint-Étienne – le nom du disque, « Beauseigne », s'inspire dune expression stéphanoise servant à définir les « pauvres garçons », ceux qui viennent de se faire mal ou de recevoir une mauvaise nouvelle.

    Tout un symbole, donc, quand on sait à quel point Zed Yun Pavarotti semble défier un monde inquiet dans des morceaux relativement sombres, plombés par le spleen mais ouverts à des intentions plus lumineuses que par le passé. Il y a de plus en plus de chant sur « Beauseigne », des guitares (logique de la part de ce fan de metal et d'Oasis !) et des inclinaisons folk qui, si elles ne tutoient pas toujours l’excellence, confirment la volonté de Zed Yun Pavarotti de faire de sa musique un vaste refuge pour les flous artistiques.

    Fils Cara

    À l’instar de Terrenoire et Zed Yun Pavarotti, Fils Cara a également sorti son nouvel EP en cette rentrée 2020 : « Fictions », un 8-titres qui, à l’inverse de la nouvelle scène pop française ayant émergé au début des années 2010 (Lescop, Aline, Granville, etc.), refuse de se momifier dans une nostalgie eighties qui empeste les vieilles chaussettes de Daho - ici ce sont les influences hip-hop qui se distinguent.

    Chez le protégé du label microqlima (L'Impératrice, Isaac Delusion), ancien membre du crew POSA aux côtés de Zed Yun Pavarotti, il y a un mélange d’innocence et de froideur, un va-et-vient constant entre le chant et le rap, mais surtout une volonté de traduire la pop hexagonale dans des mélodies bricolées, abandonnées tantôt au minimalisme, tantôt aux notes synthétiques.

    La Belle Vie

    Le nouveau single de ce quintet, à paraître mercredi 28 octobre, s’appelle Promesse et c’est exactement ce que sont ces Stéphanois : une promesse, pour l’avenir, pour la pop et pour l’arrivée de lendemains heureux. Issu de la même génération que les artistes précités, La Belle Vie avait déjà attiré l’attention des auditeurs cet été avec un premier véritable single, Ma piscine (vazy danse !), tout en mélodie extatique, en refrain enjoué et en propos délicieusement naïfs.

    À l’inverse, Promesse, premier extrait d'un EP à paraître fin novembre (« Bluettes »), narre la fin d’une relation amoureuse, sans être plombant pour autant. À croire qu'il s'agit avant tout pour cette bande de joyeux lurrons de rester fidèles à leur nom de groupe.

    Felower

    Felower n'était pas de ce fameux concert L'éPOPée Verte (Fils Cara, Terrenoire, Zed Yun Pavarotti, Cœur et La Belle Vie) donné début octobre afin de célébrer cette nouvelle scène stéphanoise animée par les mêmes obsessions et parfois les mêmes références - question de génération, pourrait-on dire. La musique de ce dernier n'en reste pas moins intrigante, ne serait-ce que pour ses mélodies qui doivent autant au beat hip-hop qu'à une techno industrielle censée nuancer l'amertume du propos.

    Le résultat est efficace et amène à ce constat : quitte à traverser l'hiver en pardessus, le teint pâle et le regard triste, autant le faire au son de Fugue, dont le chant fragile et l'intensité mélodique se révèlent être les partenaires idéaux pour les temps glaciaux.