"By The Way" des Red Hot a 20 ans : un album mou du genou, vraiment ?

Plus doux, plus pop et davantage porté sur les ballades, le huitième album des Californiens, publié le 8 juillet 2002, a longtemps été décrié malgré 2 millions d’exemplaires écoulés et la présence de quelques tubes conçus pour faire vibrer les foules. Vingt ans après sa sortie, tentative de réconciliation.
  • C'est un riff de guitare mythique, un riff aussi doux que flamboyant, un riff aujourd'hui connu de tous et toujours autant joué par des centaines d'apprentis guitar-héros. Ce riff, c'est celui qui ouvre « By The Way », le temps d'une chanson-titre qui rappelle que l'on est ici entre amis, en compagnie de musiciens dont on connaît le style, dont on apprécie les gimmicks (dans la voix d'Anthony Kiedis comme dans le jeu de Flea), le tout avec cette évidence mélodique à laquelle il semble impossible d'échapper.

    Le reste de ce huitième album est à l'avenant, et prouve que les Red Hot, à défaut d'inventer la poudre sur des morceaux aux airs familiers, supportent toujours aussi mal la poussière. Alors, certes, le style des Californiens est figé ici dans une esthétique précise, mais l’erreur serait de considérer leur musique comme un musée que l'on visite par curiosité, pour passer le temps en étant certain de ne rien en retirer.

    Sur bien des points, c’est un groupe particulièrement en forme que l'on retrouve sur « By The Way », dans la droite lignée de « Californication », voire de « One Hot Minute » quoique enregistré dans des conditions plus difficiles : « Il y avait des tensions dans le groupe, des tensions entre moi et John, racontait Flea en 2006. D'un point de vue créatif je ne me sentais pas à l'aise à l'intérieur du groupe. Je ne me sentais pas libre de m'exprimer ». Paradoxalement, « By The Way » est peut-être le plus doux, le plus candide et le plus apaisé des albums des Red Hot.

    On note effectivement un nombre anormalement élevé de ballades sur « By The Way ». Signe d'un groupe qui s'encroute et qui en a fini avec les moments de folie, tels ces anciens adolescents agités qui ont troqué leurs Vans contre des costumes une fois adultes. Ou bien est-ce simplement là l'envie d'explorer de nouvelles émotions, d'être « plus crooners que crâneurs » comme le soulignaient les Inrocks en 2002 ? Sûrement un peu des deux.

    Toujours est-il que les Red Hot, une nouvelle fois produits par Rick Rubin, gagnent ici leur pari : bien sûr, This Is The Place, I Could Die For You ou Tears sonnent aujourd'hui très « RTL2-compatibles » ; évidemment, la basse est moins mise en avant qu'auparavant, éloignant d’office le groupe de ses origines funk ; indéniablement, l’album est trop long et contient un certain nombre d’exercices de style un peu obligatoires. Reste que ces chansons encouragent l'émotion, rappellent les amours juvéniles (pas un mince exploit pour un groupe qui affiche alors 38 ans de moyenne d’âge...) et démontrent le savoir-faire mélodique de musiciens obsédés par le groove.

    Coincés dans une époque secouée par les riffs cogneurs de Sum 41, l’arrivée depuis New York de rockeurs branchés (The Strokes en tête !) et les bouffonneries de Jackass, les Red Hot ne pouvaient toutefois pas s'autoriser l'accalmie. Outre By The Way, Give It Away et Warped sont également là pour tutoyer le mur du son. Ce sont des tubes, avec ce souffle, ce sens du refrain sucré et ces guitares finalement plus érudites qu’héroïques qui évitent à ces morceaux d’être uniquement destinés aux stades.

    Dans un autre style, moins urgent, plus nuancé, citons également Cabron : un single sautillant, aux influences hispaniques, où les Red Hot font dans la pop song légère, ensoleillée, presque romantique si elle ne s’appuyait pas sur un refrain où Anthony Kiedis chante nonchalamment « connard, connaaaard ».

    On a commencé avec By The Way, indéniablement l'un des pics de ce huitième album, terminons par l'ultime Venice Queen. Pour certains, une vulgaire concession aux codes radiophoniques. Pour d'autres, un morceau quelconque, sans reliefs ni réelle intensité. Vingt ans plus tard, il est pourtant fascinant d’entendre un tel riff hérité des Smiths, tout en subtilité, moins immédiatement efficace, qui rappelle que le rock peut-être fait par des citoyens d’âge mur, et qu’être vieux n'empêche pas d'être cool. 

     

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