Alors, que vaut le nouvel album de Lana Del Rey ?

L’Américaine, considérée comme l’une des meilleures compositrices du siècle, sort aujourd’hui « Did You Know That There’s a Tunnel Under Ocean Blvd », un neuvième album de 16 chansons introspectif et expérimental qui ressemble au journal intime musical d’Elizabeth Woolridge Grant, une femme de 37 ans qui cherche désespérément à nous toucher droit au cœur.
  • Avec « Norman Fucking Rockwell » en 2019, Lana Del Rey avait envie, comme à son habitude, de faire résonner la grandeur de l’Amérique, peut-être même d’une Amérique qui n’existe plus vraiment aujourd’hui. Glam, séduisant et grandiloquent, le disque marquait « le retour » de l’artiste au sommet après « Lust for Life », globalement boudé par la presse et les fans.

    Quatre ans plus tard, la relation est toujours sur de bons rails. Mais avec « Did You Know That There’s a Tunnel Under Ocean Blvd », un neuvième album au nom et tracklist à rallonge — 16 titres au total — Lana Del Rey ne cherche plus à nous séduire avec des histoires trop belles — on est déjà amoureux — mais à nous raconter qui elle est au fond d’elle.

    Sur ce disque, le morceau d’ouverture fait référence à son vrai nom de famille, elle cite ses frères et sœurs, raconte des vieilles histoires de famille (Fingertips), mentionne sa mère — chose rare pour elle qui a rarement autant dévoilé sa vie privée en musique — et dédie un titre à l’actrice Margaret Qualley — la femme de son producteur, Jack Antonoff. Pour couronner le tout, cinq chansons sur ce disque ont été écrites en compagnie de son ex petit ami Mike Hermosa. 

    Durant la grande majorité de cet album de 78 minutes, Lana Del Rey nous plonge dans son journal intime et dans son vieil album photos qui traîne au grenier. Les chansons sont douces et chuchotées, elles n’ont pas de structures vraiment définies (oubliez le couplet-refrain-couplet sur cet album) et semblent flotter dans un océan de tendresse, de souvenirs et de ballades au piano rassurantes.

    Que ce soit sur The Grants, Did You Know That There’s a Tunnel Under Ocean Blvd, Sweet, Kintsugi ou Fingertips, Lana Del Rey ne cherche pas à éblouir mais à nous amadouer avec des papouilles et des énormes câlins musicaux. Cette Lana Del Rey dévoile plus que jamais sur ces morceaux une fragilité et une sensibilité presque déconcertante, comme si elle improvisait des mélodies sur les différents chapitres de sa vie ou sur ses pensées les plus personnelles. La composition folk avec John Father Misty (Let The Light In) fait partie des moments forts de ce disque, tout comme Candy Necklace en compagnie de Jon Batiste et Kintsugi, une sublime ballade poignante et ultra épurée.

    Mais sur « Did You Know That There’s a Tunnel Under Ocean Blvd », l’Américaine de 37 ans a aussi tenté des variations musicales assez inhabituelles pour une chanteuse qui a toujours opté pour une certaine forme d’efficacité. Sur A&W, l’une des chansons les plus audacieuses et réussies de sa carrière, Lana Del Rey, qui opte pour une basse entrainante et un chaos sonique et vaporeux, est touchée par la grâce. Sur Peppers — en featuring avec la rappeuse canadienne Tommy Genesis — elle créée des ponts étranges entre le rap obscur et le rock progressif et sur Fishtail, la production atmosphérique apporte un côté presque futuriste au morceau. 

    Si le nom de l’album est une référence à un ancien tunnel de Long Beach — le Jergins Tunnel — qui permettait d’accéder aux plages, « Did You Know That There’s a Tunnel Under Ocean Blvd » n’est pas qu’une succession de vieux souvenirs mis en musique. C’est un disque à voir comme une œuvre totale où la chanteuse s’autorise presque tout : des ballades classiques aux airs de Noël (Sweet), des doudous orchestraux, des tableaux ordinaires de la vie de tous les jours, des expérimentations intimes et des crossovers bancals.

    Ce neuvième disque n’est pas le plus accessible, ni le plus pop, mais probablement le plus dense, profond et héroïque de sa carrière. Et il ne fait que conforter l’idée que Lana Del Rey est une artiste extrêmement plus complexe et polymorphe qu'on aurait pu l'imaginer.

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