Et si la carrière de Stromae était tout simplement finie ?

En annonçant l’arrêt total de sa tournée ce mardi 9 mai, l'artiste belge brise l'espoir de ses fans de le revoir sur scène en 2023, mais surtout, interroge sur la capacité de Stromae à continuer à jouer les règles d'un jeu devenu infernal pour sa santé mentale.
  • Il semble loin le temps où tout était "formidable". C'était il y a pile 10 ans, le 27 mai 2013, jour de la sortie du deuxième single de l'album "Racine carrée", et qui allait propulser tout en haut un Belge encore inconnu sur la carte de la pop mondiale. Trop haut, visiblement, si l'on en juge par ce qui a suivi, de la dépression du musicien en 2015 jusqu'aux six années de silence qui ont suivi en passant par l'annonce, ce mardi 9 mai, d'un stop total sur la tournée 2023, déjà partiellement interrompue en raison d'un "état de santé ne lui permettant pas d'assurer sa performance".


    Si l'annonce de cette nouvelle retraite peut (légitimement) en surprendre certains, elle n'est pourtant que la suite de plusieurs messages d'alerte; le premier ayant peut-être été le clip du même Formidable, voilà 10 ans, quand l'artiste belge se mettait en scène dans une vidéo où l'on pouvait le voir déambuler dans le quartier de Louise, à Bruxelles, l'air hagard, déjà plus vraiment lui-même, à la recherche d'une tranquillité difficile à trouver. Et pour cause : le même clip culmine aujourd'hui à 322 millions de vues sur YouTube. Et Stromae, remixé par Kanye West et expédié en haut des charts et sur toutes les scènes américaines, de se perdre dans une notoriété toxique pour sa santé mentale.

    On pourrait également citer le titre Carmen, et son clip dénonçant l'agressivité du réseau Twitter, et la violence des commentaires de la société internet. Ou encore, plus récemment, le happening en direct avec L'Enfer sur TF1, et où Stromae s'épanchait sur ses pensées suicidaires. On pourrait aussi, à l'inverse, rétorquer que la consécration qui a suivi la sortie de "Multitude", avec 2 Victoires de la musique en 2023 plus un début de tournée triomphal, aura permis à l'artiste de reprendre du poil de la bête. Erreur. C'est là tout le paradoxe d'un artiste mondialement (re)connu, tentant à la fois de s'exprimer artistiquement à travers ses chansons mais aussi de supporter le poids d'un tel succès. Un poids trop lourd, visiblement, et bien plus écrasant que lorsque Stromae s'effaçait voilà quelques années pour réaliser des clips pour d'autres musiciens aussi connus que lui (Dua Lipa, Billie Eilish ou encore Orelsan). 

    S'il semble donc exclu que Stromae revienne en 2023, on peut donc légitimement s'interroger sur la potentielle suite : à presque 40 ans, le Belge aura-t-il encore le jus pour un quatrième album, au regard de la dernière décennie traversée péniblement ? Et si, au fond, le véritable problème n'était pas l'impératif pour tout artiste des années 2020 de se produire en live, quand bien même cela serait nuisible pour l'artiste en question ? Publier des albums sans les défendre devant 10 000 personnes, est-ce encore possible ? Et comment parvenir à se réinventer quand on a tout gagné ? Autant de questions que Stromae aura à régler avant d'imaginer un retour "en présentiel" (les concerts) ou à distance (de nouveaux disques). Et qui, à l'écoute de la fin de "Multitude", avec le combo des 2 titres antagonistes Mauvaise journée et Bonne journée, n'est toujours pas réglé.

    Derrière l'annonce de cette fin de tournée, c'est donc le poids industriel et commercial qui pèse parfois sur les artistes qui est dans la balance. Dans le cas de Stromae, auteur de "seulement" 3 albums en 13 ans de carrière, c'est aussi la capacité du public à comprendre et à accepter ces parenthèses forcées qui lui permettra également de combattre cette fameuse "solassitude" dont il est encore victime, à l'insu de son plein gré.

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