

Voilà 40 ans, Talking Heads sortait son meilleur album
Sorti le 8 octobre 1980, « Remain In Light » produit par Brian Eno est l’album phare des Américains, mêlant la polyrythmie, les expérimentations électroniques, la funk et l'afrobeat avec une certaine idée du groove.
2020 M10 28
L’histoire entre les Talking Heads et Brian Eno remonte bien avant « Remain In Light ». Même avant de produire l’album « More Songs About Buildings and Food » des Américains en 1978, Eno avait montré son amour pour Talking Heads. En 1977 sur son album « Before and After Science », le roi de l’ambiant rendait un hommage à David Byrne et sa bande avec le titre King's Lead Hat, qui n'est ni plus ni moins qu’une anagramme de Talking Heads. L’alchimie entre Eno et Byrne était une évidence. Les deux se fascinent pour l’afrobeat, Fela Kuti mais aussi pour les musiques d'avant-garde allemandes de CAN ou les disques de Bowie période Berlin.
Après la tournée pour « Fear of Music » en 1979, le couple Chris Frantz (batteur) et Tina Weymouth (basse) se tire aux Bahamas. Ils ne savent pas s’ils veulent rester dans le groupe. Brian Eno, qui a produit les deux derniers albums du groupe, n’a pas prévu de revenir pour un troisième. Mais ce n’est pas pour autant qu’il a coupé les ponts avec Byrne. Ensemble, ils ont travaillé sur un projet commun, « My Life In The Bush Of Ghosts », qui sortira en 1981. En écoutant les démos de « Remain In Light », le producteur craque : il signe pour un troisième round et le groupe se réunit pour se mettre à bosser sur l’album aux Bahamas, au Compass Point Studios. Un endroit que le groupe connaît bien puisqu’ils y ont enregistré l’album « More Songs About Buildings and Food ». Et qui devient le lieu de leur impulsion créative presque surnaturelle.
Si Eno et Byrne sont dans un trip afrobeat, Chris Frantz et Tina Weymouth restent fidèles à leur style de prédilection et contre-balancent les influences africaines avec une rythmique plus angulaire (même si, en secret, Eno et Byrne ré-enregistrent les parties de Tina dans son dos). Le guitariste Adrian Belew, qui rejoint le groupe pour la première fois, va quant à lui apporter un aspect plus « rock » aux textures (le solo sur The Great Curve est magnifique). Mais l’absence de riff sur « Remain In Light », qui prend comme point de départ la structure rythmique et les longs jams, est aux antipodes des disques estampillés rock de l'époque.
Pour autant, le travail de superposition et de découpage donnera à l’album une forme de transe (obtenue grâce aux polyrythmies et au travail de Brian Eno qui casse les codes) qui ferait presque oublier l’absence de structures claires. Si l’influence de l’afrobeat est indéniable et assumée, Talking Heads dit avoir emprunté des éléments de ce style pour créer une nouvelle musique encore inédite, sorte de fusion entre la funk, la pop, la new wave et le hip-hop.
En écrivant les morceaux en studio, le rôle de Brian Eno ne s’est pas limité à celui d’un simple producteur : il a été un membre du groupe à part entière, ajoutant des couches sonores, des voix, des harmonies et des contrepoints pour créer une forme ce chaos maîtrisé.
Il est difficile de citer des morceaux plus emblématiques que d’autres. Chaque titre peut être analysé individuellement (House In Motion en hommage à Kuti, Once In a Lifetime et ses inspirations religieuses, etc.) mais « Remain In Light » est un disque à écouter dans son ensemble pour comprendre sa vision, son ambition et son homogénéité. La liste des artistes qui citent l’album comme une grosse influence, allant de Phish à St. Vincent en passant par Arcade Fire, sont nombreux. Pourtant, à sa sortie, le disque s’était très mal vendu. Il faut croire que tout les grands albums mettent souvent du temps à se faire une place dans le cœur des fans.