Des Daft Punk à Hendrix, 10 albums de légende qui n'ont jamais vu le jour

Bowie, Dr. Dre, Daft Punk ou Pink Floyd : toutes ces icônes ont dû abandonner certains de leurs projets. Par contrainte ou par choix, peu importe. L’essentiel est de se dire qu’il se trouve quelque part dans le monde, sur un ordinateur ou sur de vieilles cassettes, les traces de ces sessions jamais publiées. En voici dix.
  • Bob Dylan et Johnny Cash - « The Dylan/Cash Sessions » (1969)

    Sur le papier, l'association n'a rien de surprenante. Il suffit d'ouvrir un bouquin un minimum documenté sur l'histoire du rock pour savoir que Johnny Cash a écrit une lettre à Bob Dylan en 1962, que, deux ans plus tard, lors du Newport Folk Festival, il lui a offert une de ses guitares et que, en février 1969, l'homme en noir a accueilli ce bon vieux Bob au sein de sa ville natale. Là où l'histoire prend des atours inédits, c'est lorsqu'on apprend que les deux icônes ont profité de ce séjour à Nashville pour enregistrer une douzaine de chansons ensemble, dont Girl From The North Country, un titre présent sur le deuxième album de Bob Dylan et revisité sur « Nashville Skyline ». Pour le reste, le mieux est encore de fermer les bouquins sur l'histoire du rock et d'aller creuser dans les différents bootlegs publiés ces dernières décennies.

    Jimi Hendrix - « Black Gold » (1970)

    « C’est principalement des dessins humoristiques. Je dessine ce drôle de chat, il traverse toutes ces scènes étranges. J’imagine qu’on pourrait le mettre en musique ». Clairement, Jimi Hendrix n'est pas le plus doué pour parler de sa musique. Pourtant, s'il y a quelque chose qui lui tient à cœur en 1970, quelques semaines avant sa mort, c'est ce projet sur lequel il est en train de bosser, seul dans sa chambre. Soit 16 chansons enregistrées sur cassette, en acoustique, et longtemps détenues par le batteur Mitch Mitchell. Avant que six d'entre elles apparaissent sur différents albums posthumes et ne dévoilent des textes nettement plus autobiographiques que par le passé.

    Pink Floyd - « Household Objects » (1974)

    Après un énorme succès, nombreux sont les musiciens à péter les plombs. Pink Floyd n'échappe pas à la règle : après le triomphe de « Dark Side Of The Moon », les Anglais décident de prendre leur public par surprise et se lancent dans l'enregistrement d'un album qu'ils imaginent sans instruments... À la place, Roger Waters, David Gilmour et le reste de la clique préfèrent utiliser des objets du quotidien (des ampoules, des scies à bois, des marteaux, des balais, etc.), avant de se rendre compte qu'ils étaient possiblement là en plein délire. « On passait des jours à essayer d’obtenir le son d’une basse à partir d’un crayon à papier et d’un élastique, déclarait Richard Wright dans un documentaire pour la BBC en 2007. Je me rappelle m’asseoir avec Roger et dire, « Roger, c’est fou ! » ».

    Tellement fou que ce « Household Objects » n'a jamais vu le jour. À peine peut-on entendre sur le web des versions inachevées de The Hard Way et Wine Glasses, enregistrés dans la douleur au cours d’un mois de travail qui, magie du destin, a fini par poser les bases de Shine On You Crazy Diamond.

    Paul McCartney - « Cold Cuts » (1974)

    Avec le temps, on a fini par connaître par cœur les excuses des maisons de disques au moment de mettre de côté l'album d'un artiste : « trop avant-gardiste », « ça manque de singles », « c'est daté », etc. À cette liste, l'on serait tenté d'ajouter : « c'est encore trop tôt ». Avec, comme exemple, le « Cold Cuts » de Paul McCartney, repoussé suite au succès dans les bacs de « Band On The Run », le dernier album des Wings. Sans doute un mal pour un bien quand on sait que Macca souhaitait en faire un double album compilant d'anciens singles et des morceaux jamais parus à la suite de la séparation des Beatles. Pourtant, quand on tend l'oreille à Hey Diddle, Best Friend ou encore Watersprout, on se dit que cela aurait été l'occasion parfaite de condenser toute la folie de McCartney, rarement hostile à l'expérimentation et aux idées novatrices.

    Prince - « Camille » (1986)

    Jamais deux sans trois. Après avoir mis de côté « Dream Factory » et abandonné l'idée d'un album commun avec The Revolution, Prince finit par délaisser un autre projet, tout aussi ambitieux : « Camille », un album nommé ainsi en référence à son alter-ego féminin, au sein duquel sa voix apparaîtrait pitchée, foncièrement aigüe, plus androgyne que jamais. Tout avait pourtant bien commencé : en octobre 1986, Prince entame les sessions d'enregistrement. Très vite, Housequake donne le ton et, dix jours plus tard, l'Américain a suffisamment de matière pour envisager un long-format conforme à ses envies. Au passage, il a même informé Warner Bros qu'il ne souhaitait pas apparaître sur la pochette du dique, et qu'il aimerait bien décliner tous ces nouveaux morceaux dans un long-métrage.

    L'idée est séduisante, mais Warner Bros semble quelque peu réticent, au grand regret de Prince qui décide de tout annuler quelques semaines avant la date de sortie prévue. Pas grave : certains des éléments compilés sur « Camille » ont été réutilisés en 1987 pendant les sessions de « Sign O' The Times ».

    David Bowie - « Toy » (2000)

    Si l'on garde de David Bowie l'image d'un caméléon de la pop, capable de se réinventer à chaque album, d'anticiper en permanence les tendances à venir, cela n'a pas toujours été le cas. On pourrait citer ses deux premiers disques, très classiques dans la forme. On pourrait mentionner « Pin Ups », cet album de 1973 où il reprend des standards britanniques parus une décennie plus tôt. Enfin, on pourrait évoquer « Toy », un disque où il souhaitait revisiter certains de ses premiers morceaux. En 2001, l'album était prêt à sortir, mais le calendrier d’Universal en a voulu autrement. Leur volonté également : la maison de disques souhaitant un album « plus commercial ».

    Un mal pour un bien : Bowie monte alors son propre label (ISO), clame sa volonté de sortir « Toy » en indépendant, mais finit par mettre de côté l'idée au profit de « Heathen », sur lequel on retrouve deux titres initialement enregistrés lors des sessions de cet album-fantôme. Slip Away (initialement nommée Uncle Floyd) et Afraid, tandis que les faces B du premier single de l'album (Slow Burn) sont également extraites de ces sessions.

    Dr. Dre - « Detox » (2001)

    Il suffit d'ouvrir n'importe quel magazine hip-hop de 2003 pour tomber sur l'info : oui, Dr. Dre pensait déjà à « Detox », le digne et ambitieux successeur de « 2001 ». Dans un morceau de The Game, l'un de ses nombreux poulains, il en avait même teasé la sortie : « Be quiet, look out for Detox », profitant ensuite de chaque interview pour entretenir le mythe. Un coup, il s’agirait d'un concept-album inspiré de Training Day. L'année d'après, il s'agit d'en faire la première comédie musicale hip-hop. 

    La vérité, c'est que Dr. Dre n'a eu de cesse de reporter le projet pour se concentrer sur les albums des autres : Kendrick Lamar, Bishop Lamont, Truth Hurts, Anderson .Paak. Certains titres ont bien fuité, un certain nombre d’artistes ont prétendu avoir eu la chance d’écouter une dizaine de morceaux extraits de « Detox », mais il faut se faire une raison : le quatrième album de Dr. Dre, c'est un peu comme le réchauffement climatique ; on en parle constamment, on refuse secrètement d'y croire et on se dit que l’on risque d’être fortement déçu quand ça se produira.

    Massive Attack x The Dandy Warhols (2003)

    C'est la rumeur qui affolait le paysage pop en 2003 : les Dandy Warhols, alors en pleine tournée, auraient enregistré quelques chansons avec Massive Attack, trois ans après leur titre commun (House Of Yes) et ce remix de Godless concocté par la bande de Bristol. Courtney Taylor, dans une interview accordée à un magazine australien, avait même avoué avoir rencontré 3D à plusieurs reprises. Ne manquez plus qu'à peaufiner les morceaux enregistrés lors des premières sessions. Le rendez-vous était pris à l’automne 2003, mais il faut croire que les calendriers des deux formations n’ont jamais pu s’accorder.

    L’album commun de DJ Mehdi, Pone, Djimi Finger et Yvan (2005)

    Aujourd'hui encore, l'info continue de faire frétiller les sous-vêtements des amateurs de rap : en 2005, la crème des producteurs hexagonaux - DJ Mehdi, Pone (Fonky Family), Djimi Finger (Secteur Ä) et Yvan Peacemaker (Booba Diam’s) - a planifié un voyage à New York dans l'idée d'enregistrer un album commun porté par trois MC's : Lino, Rim'k et Le Rat Luciano. Pas les plus maladroits avec les mots, donc. Malheureusement, le rappeur de la FF fait marche arrière au dernier moment, et plombe quelque peu l'enthousiasme général. Un an plus tard, DJ Mehdi produit son dernier morceau hip-hop (Couleur Ebène de Booba). Et plus rien ne sera jamais vraiment pareil.

    Daft Punk x Todd Edwards (2016)

    La rencontre entre le duo casqué et le producteur américain a lieu au mitan des années 1990. Sur Teachers, présent sur « Homework », on peut même entendre Guy-Man et Thomas Bangalter citer Todd Edwards parmi leurs principales influences. Les deux Français ont adoré le remix de St Germain concocté par ce dernier, ils souhaitent travailler ensemble (ce qui finit par arriver sur Face To Face, où Todd Edwards assure les voix) et envisagent même un temps un album commun. Celui-ci aurait d'ailleurs pu être le successeur de « Random Access Memories » si Todd Edwards, en panne d'inspiration, n'avait pas eu besoin de s'isoler à Los Angeles, de faire un break et de retrouver foi en ses qualités de mélodistes.