2020 M03 11
London calling. Vivre à Londres coûte cher, c’est une certitude. Heureusement, la capitale anglaise peut toujours compter sur sa jeunesse, perpétuellement prête à faire émerger de l’underground des projets complétement fous et à s’agiter dans l’ombre des vies fortunées. On savait que c’était déjà le cas avec le grime et le jazz ; à titre d'exemple, citons le Total Refreshment Center. On sait désormais que le rock a fini par suivre le mouvement, à l'image du collectif Slow Dance à l'origine des soirées les plus folles de Londres ces cinq dernières années.
« À la base, ce n'était qu'un fanzine que l'on rédigeait au lycée, rembobine Marco Pini, l'un des fondateurs. Il y a eu beaucoup de changements entre-temps, des écarts vers d'autres formes artistiques, mais on s'est finalement concentré sur la musique, avant de se lancer dans l'organisation de soirées dans des endroits assez fous : des bateaux, des entrepôts, des rails de chemin fer, etc. On aimait tellement miser sur de jeunes groupes venus de l'underground que l'on a décidé de fonder un label assez naturellement. »
Underground. L’idée de Marco Pini, Darius Williams, Maddy O'Keefe et les autres est d'accompagner l'entrée dans l'âge adulte de la jeunesse anglaise, qui trouve dans les riffs aiguisés de Sorry, PVA, Goat Girl ou 404 sa bande-son idéale, car révoltée et casse-cou, radicale et explosive. « La scène musicale londonienne bénéficie sans aucun doute de l'émergence de nouveaux talents créatifs, poursuit Maddy O'Keefe. C'est très excitant, on dirait que tout est possible et que les gens s'intéressent de plus en plus aux scènes undergrounds, non pas de manière subculturelle ou clientéliste, mais avec la certitude d'y trouver un réel propos artistique. J'ai l'impression que les musiques non conventionnelles sont davantage célébrées aujourd'hui. »
En exemple, l’Anglaise cite Black Midi, Squid et Dry Cleaning. Autant de formations passées par les soirées Slow Dance et réunies autour d’une même idée : expérimenter le format rock, le confronter aux musiques expérimentales, ambient et électroniques. Alors, forcément, des affinités apparaissent : ces derniers mois, les gars de Black Midi ont confié l'organisation d'un de leur concert dans un moulin à vent de Brixton à Slow Dance, ont remixé les morceaux du groupe de Marco Pini et ont participé au projet Of Noise (aux de Late Works, qui organise tout un tas d'évènements interdisciplinaires à Londres), dont l'idée est de composer des morceaux à partir d'instruments inventés par le collectif londonien.
Si la méthode est DIY, le fonctionnement de Slow Dance, lui, est régi par certaines règles. Traduction : chaque membre a un rôle bien précis au sein de ce collectif, persuadé de promouvoir une nouvelle esthétique au sein de la scène londonienne. Le post-club : « C'est la musique de la nouvelle scène londonienne, affirme Marco Pini. Une musique qui tire ses racines dans la musique club, s'inspire d'artistes bien précis (Four Tet, Plastic People, Burial), se révèle assez hybride et particulièrement en phase avec la réalité actuelle : celle d’une musique qui n’appartient à aucun genre précis. »
Les compilations mises au point par Slow Dance en attestent avec brio : entre la fièvre disco de The Orielles, la dance-punk de Squid, la glitch pop de Tony Njoku ou la fusion entre l'IDM et la pop orchestrée par Jockstrap, un son nouveau, inédit et hautement instable, est en train d'émerger. Marco Pini et Maddy O'Keefe, qui s'apprêtent à manager de nouveaux artistes (Comfort, Josef Kurtz et Khazali), concluent d'ailleurs la rencontre d'une même voix : « L'idée du collectif n'est pas simplement de trainer avec la nouvelle scène locale, à l'image de Sorry que l'on connait depuis l'époque de leurs premières démos. C'est aussi de promouvoir la slow dance, cette musique qui se danse autrement. » Avec ferveur, probablement.
Crédits photos : Slow Dance.