Put***, le "Californication" des Red Hot a 20 ans

Vous n’avez pas vu le temps passer, mais le plus populaire des albums des Red Hot Chili Peppers est sorti un 8 juin. C’était en 1999. Vingt ans plus tard, faisons le point sur ce disque qui a permis à John Frusciante de briller à nouveau.

Au rayon des miraculés, il doit y avoir un sacré espace pour les Red Hot Chili Peppers. C’est certainement ce qu’ont dû se dire Kiedis et Flea, les seuls membres historiques de la formation, en contemplant les chiffres de ventes de « Californication », septième album écoulé à 15 millions d’exemplaires quinze ans après les débuts (et onze ans après la mort par overdose du guitariste Hillel Slovak). En 1998, quelques mois avant la sortie de ce qui deviendra l’album le plus célèbre des Californiens, c’est peu dire que RHCP ressemble à une voiture désossée. Le guitar hero John Frusciante est aux abonnés absents depuis 1992 et la tournée qui a suivi la sortie « Blood Sugar Sex Magik » ; il a été remplacé par le pas vraiment plus sobre Dave Navarro. Des débuts en 1984, il ne reste pas grand-chose hormis le chanteur et le bassiste, qui ont déjà réussi à éviter le split au décès de Slovak en 1988, suivi du départ du batteur Jack Irons, traumatisé. C’est dans ce contexte que va naître ce pur disque de détox, à la fois sincère, héroïque et pourtant diablement solaire.

Quand l’album sort finalement le 8 juin 1999, les Red Hot sont attendus au tournant. Ils ont non seulement placé la barre très haut avec deux singles emblématiques des années 1990 (Give it away et My Friends) mais se sont également séparés de Dave Navarro, jugé trop instable et encombrant. À sa place, et plutôt du genre fair-play, ils ont décidé de ré-engager Frusciante, celui qui vient de passer sept ans dans l’obscurité et la dépendance à l’héroïne et à la cocaïne. Un choix risqué donc, mais qui va s’avérer payant. Tant pis si Brian Eno a refusé de produire le disque, c’est Rick Rubin qui va s’y recoller pour la troisième fois, avec succès et selon ses méthodes, afin de tuer définitivement l’image des skateurs dégénérés fans de funk qui leur colle à la peau.

Grammy de la meilleure chanson rock. Le résultat est une poésie sur le fil. Réécouter le titre Californication vingt ans plus tard suffit à comprendre l’état de fragilité dans lequel se trouve alors le groupe, au crépuscule du 20ème siècle. Déjà plus vraiment jeunes, hantés par les départs successifs et la mort, Kiedis et ses copains parviennent à trouver la force de se mettre à poil (cette fois au sens figuré) pour accoucher d’un album racontant la coolitude de Los Angeles sur fond de rédemption et de détox ; le clip de Scar Tissue, clin d’œil évident aux anciennes addictions de Frusciante, permet d’ailleurs de voir celui-ci au volant d’une bagnole alors qu’il n’a même pas son permis. C’est la métaphore du rockeur en excès parvenant à reprendre le contrôle de sa propre vie. Et ce pari sera réussi puisque le titre sera récompensé aux Grammy dans la catégorie « meilleure chanson rock ».

Toujours funk par endroits (Around the world), le disque permettra à RHCP d’entrer dans la catégorie mainstream sans rien renier de ses valeurs ; c’est à cela qu’on reconnaît les grands albums. La meilleure preuve étant certainement la série du même nom qui permettra à David Duchovny de se racheter une caution après X-Files dans le rôle de Hank, l’écrivain alcoolique revenu de l’enfer des stupéfiants (comme Frusciante, finalement). Le groupe entamera un procès pour utilisation du nom de son album, en vain. Mais gagnera, au passage, ses galons de disque inusable.

En France, le disque s’est vendu à 200 000 exemplaires. Et continue de contredire Nick Cave qui déclarait à l’époque : « Quand je suis près d'une chaîne stéréo et que je me dis “mais qu'est-ce que c'est que cette merde ?”, la réponse est toujours les Red Hot Chili Peppers. » Pas rancunier, le groupe a justement prévu une réédition de l’album pour les 20 ans, au format picture-disc, dans une version évidemment collector.