Quels sont les outsiders français de 2017 ?

  • Ces artistes français ont en commun la jeunesse, un talent brut et se contentent de produire les meilleurs disques possibles. La next gen' est discrète, ne vient pas de Paris et avance masquée. 

    The Blaze, double impact. Jamais de mémoire de critique musical, on avait vu débarquer un groupe de cette manière-là : via deux clips beaux comme des films de Claire Denis, sans une seule image ni info disponible sur ses membres, en réalisant une combinaison imparable d’électro cinématique. Pendant des mois, l’uppercut visuel et sonore a laissé tout le monde sans voix jusqu’à ce que filtrent les premiers indices. Un label, Animal 63, du meilleur goût, et une ville d’origine — Dijon — connue pour sa somnolence autant que pour la légende qui veut qu’elle ait accueillie derrière ses platines avant tout le monde les Daft Punk non casqués, Jeff Mills ou Vitalic.

    Et puis est venue la première interview dans les Inrocks. En bon relou, on les préférait auréolés de mystère au milieu d’une époque surinformée. Il n’empêche, l’impact perdure au point où l’on se dit qu’avec eux, la nouvelle génération électronique, celle de Pone et consorts, n’a rien à envier aux vieux briscards et aux Anglo-saxons.

    Jorrdee, le funambule. Roulez jeunesse annonce l’artiste Jorrdee en titre d’un de ses morceaux de son nouvel album baptisé « Avant ». Au vu des sons qu’on y trouve, le producteur lyonnais ne jette aucun regard dans son rétro, il colle plutôt au plus près des bagnoles filant devant lui, la BM orange de Frank Ocean notamment et la McLaren de The Weeknd. À 24 ans, il publie un disque écorché comme sa voix trop aigüe, aux sons chelous et vitreux, aux paroles sexuées et embuées. Les amateurs de classement profiteront de la couleur de sa peau et de sa casquette pour le ranger parmi les rappeurs, d’autres lui colleront l’étiquette plus appropriée de R’n’B, pourtant il nous semble venir de plus loin encore, du côté des plaintes nocturnes du roi Christophe, des premiers délires de Bashung autant que de la banlieue de Las Vegas où Shamir déploie son électro.

    Sur la jolie couverture de l’album, son visage est peint et non photographié. Tout petit au centre de l’image, à demi caché par des gants de boxe, Jorrdee — de son vrai nom Jordan Bourgeois —, continue de se camoufler, comme son nom de scène qui évoque en creux le pire artiste de l’histoire de la chanson française. Ce membre du collectif 667 est lui aussi présent sans tout à fait être là et pour qui sait y prêter attention, cela rend son émergence encore plus fascinante.

    Superpoze, l’architecte. Avec un nom beau comme le titre d’un roman de Jean Echenoz, le compositeur originaire de Caen est apparu ces derniers mois comme un clignotant mal réglé. Quelques EP depuis 2012 dont le très réussi « From the cold », un album « North » insuffisamment remarqué il y a deux ans et puis enfin « For We the Living », nouveau disque ambitieux adressé comme son nom l’indique à tous les vivants. Les sons sont à nouveau glacés et sophistiqués, les morceaux foisonnants, c’est de l’électro élégante et réfléchie passée par le Conservatoire. On marche devant soi le casque vissé sur les oreilles, certain de conquérir quelque chose d’indéfinissable.

    Superpoze passant son temps à découper des morceaux de temps précieux, il n’est pas étonnant que le collectif de directeurs artistiques Télévision Magazine ait réalisé pour lui des vidéos en slow motion. Il faut froncer les yeux pour mieux saisir les moindres variations à l’image. Tendre l’oreille aussi. Et l’hypnose commence.

    Perez, le prince noir. C’est le plus vieux de la bande et celui qui s’est attaqué au sport le plus difficile, la chanson française, ce qui signifie affronter tôt ou tard Vianney, Arnaud Fleurent-Didier et le petit Ulysse de Télérama. Julien Perez en a vu d’autres, la scène punk hardcore de Bordeaux, les tournées pendant six ans avec son second groupe Adam Kesher et surtout, il a trouvé une forme à sa mesure : une voix érotique, des textes d’auteur élégants soutenus par une musique suffisamment électro pour qu’elle attire les remix d’Arnaud Rebotini ainsi qu’une capacité à s’emparer de sujets qui le distinguent immédiatement de ses concurrents : les blockbusters, l’ennui, la Gare du Nord, l’ivresse…

    Surtout, il continue d’explorer des territoires abandonnés des chanteurs, le milieu de l’art, le palais de Tokyo autant que le Nouveau casino où l’on a vu tenir la scène derrière des déflagrations sonores au synthé qu’Alan Vega n’aurait pas reniées.

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