2021 M11 23
« Ce mec écoute deux cents nouveaux titres par jour ! ». Lorsque Pedro Winter parle de Laurent Garnier, on sent l'admiration. La fierté également d'avoir pu signer une telle légende sur son label, Ed Banger Records. « C'est le pape », clame de son côté The Blessed Madonna, qui met ainsi le doigt sur une carrière qui s'étale sur plus de 35 ans et comprend un certain nombre de moments mythiques : des DJ sets à l’Haçienda, un label culte (F Communications), un live en direct sur M6 en clôture de la Techno Parade, un statut de précurseur sur de nombreux points (Victoire de la musique, concert à l'Olympia,...), un festival (Yeah), une Légion d’honneur, etc.
Heureusement, Laurent Garnier - Off the Record, le film-documentaire réalisé par Gabin Rivoire, va systématiquement plus loin que la célébration pure et dure du DJ et producteur français. D'ailleurs, The Blessed Madonna le dit elle-même : « Il n’est pas que DJ, il a créé une culture ». Tout l'intérêt du long-métrage est donc de se baser sur le parcours de Laurent Garnier pour retracer quarante années de musiques électroniques, de la vague acid-house qui a déferlé sur l'Angleterre au milieu des années 1980 à aujourd'hui.
Avec une collection de 55 000 disques, le DJ s'impose de fait comme un formidable passeur, à travers qui le spectateur s'ouvre à une multitude de musiques : du I Feel Love de Donna Summer à La Belle vie de Sacha Distel (placé en ouverture), en passant par DJ Pierre, qui raconte ici la création de l'immense Acid Tracks, résumant son tube en une formule lapidaire. « On a créé le son qui a créé le mouvement. »
Ce mouvement est parfaitement représenté dans Laurent Garnier - Off the Record, où d'incroyables d’artistes prennent la parole : Jeff Mills, Manu Le Malin, Dani Jacobs, le VJ de l’Haçienda, Christian Paulet, ancien directeur du Rex Club, Richie Hawtin, DJ Deep ou encore Carl Cox, qui raconte que les raves sont apparues en Angleterre dans l'idée de prolonger la fête au-delà des clubs, obligés de fermer à 2h du matin.
Condenser en 1h30 toutes ces histoires, tous ces souvenirs et tous ces combats (un set de Laurent Garnier en Géorgie est là pour rappeler que les musiques électroniques sont encore et toujours victimes de nombreux stéréotypes) n’a rien d’une mince affaire. C'est dire le joli coup réalisé par Gabin Rivoire, parvenu après deux ans de tournage à dépasser le destin d’un homme (« Le genre de DJ que les autres vont écouter », selon Jeff Mills) pour raconter l’histoire d’une révolution musicale.