2019 M11 21
Héros discret. Dans Les étoiles vagabondes, Nekfeu a beau fanfaronner et prétendre porter « la capuche comme cotte de maille », cette phrase colle encore mieux à Népal, qui avait l’habitude de ne jamais montrer son visage et dont on a appris hier la disparition - survenue le 9 novembre dans des circonstances encore inconnues. Il était ce rappeur mystérieux, bourré de références tantôt opaques tantôt pointues, cet artiste capable de multiplier les schémas de rimes complexes comme de poser sur un improbable sample de Suga Suga de Baby Bash.
« C’est un des rappeurs qui m’inspirent le plus en ce moment », disait ainsi Nekfeu en 2016, époque au cours de laquelle il enregistre à ses côtés Esquimaux, un des grands moments de « Cyborg ». L’autre étant l’ouverture Humanoïde, que Népal a coproduit avec Diabi.
« L'amertume au fond des cœurs. » Écouter Népal, c’est donc entendre un rappeur qui a toujours été sourd aux raisons marketing et qui refusait que son public se concentre « sur les fringues portées dans les clips plutôt que la musique en elle-même ». C’est tendre l’oreille à un MC insaisissable, du genre à multiplier les pseudos : KLM, son alias de beatmaker, Grand Master Splinter (blase avec lequel il a débuté) ou encore 2Fingz, duo qu’il formait avec Doums.
C'est comprendre, enfin, que le cofondateur de la 75e Session, collectif qui a vu grandir des rappeurs tels que Georgio ou Sopico, n'a jamais cédé aux sirènes de la collaboration à potentiel commercial - même quand il pose avec Lomepal, c'est le temps d'un passe-passe mémorable avec Doums. Tout ce qui comptait, finalement, était cette exigence technique, celle qui a permis à chacun de ses projets (les EP « 444 nuits », « 445e Nuit » et « KKSHISENSE8 ») d'être téléchargé plus de 50 000 fois, et donc de jouir d'un véritable culte dans le circuit rap.
« Si t'es au stud' comme à l'usine, Babylone a gagné. » Dans un communiqué, la 75eme Session dit que des clips et des morceaux inédits sortiront aux dates prévues, « afin de respecter sa volonté et sa vision artistique ». Son premier album, « Adios Bahamas », devrait également paraître le 10 janvier 2020.
L'ultime tour de piste, en somme, d’un rappeur qui a toujours préféré la lucidité, l'audace et les rimes à tiroirs aux textes bourrés d'égo. « Tu peux golri, m'haïr, m'admirer, avoir pitié, parler mal de oim, mais sûrement pas m'prendre en exemple », rappait-il sur Faute de time. De JeanJass à Alpha Wann, ils sont pourtant nombreux à rendre hommage au MC du XIVe arrondissement parisien, sans doute conscient que l’on ne croise pas souvent des artistes de cette trempe dans une vie.