2018 M04 27
Nouvelle dimension. Au vu des performances lives assez plates de Massive Attack à l’époque, on pourrait se dire que « Mezzanine » n’est qu’une succession de titres taillés pour l’écoute dans les salons ou dans les caves miteuses des coins les plus urbanisés et grisonnants d’Europe. C’est en partie vrai, mais pas seulement. Ce troisième album, c’est aussi la preuve que, en 1998 et au cœur de la scène électronique de Bristol, le trio s’affirme comme un groupe qui compte.
Insaisissable. La musique de Daddy G, Mushroom et 3D a beau être régulièrement traversée par des remous de house, de post-punk, de psychédélisme, de soul, de dub ou de hip-hop, les trois vauriens de Bristol refusent malgré tout de recycler des compositions apprises par cœur chez d’autres musiciens. Chez eux, tout est prétexte à l’innovation, à la popularisation d’une nouvelle approche de la musique, plus moite, moins pure et toujours aussi désenchantée que maitrisée, sensuelle que cinématographique - sinon, comment expliquer que la plupart des titres de l’album se soient retrouvés dans tout un tas de films et de séries (Pi pour Angel, Dr House pour Teardrop, Matrix pour Dissolved Girl, etc.) ?
Le chant du crépuscule. Double disque d’or en France, « Mezzanine » c’est donc en quelque sorte la bande-son fiévreuse de la fin du 20ème siècle, quelque chose qui doit autant à la culture des soundsystems (dans laquelle est né Massive Attack) qu’à un rock presque discordant, toxique. Pas étonnant dès lors que le trio ait été capable de magnifier en un petit sommet de mélodie anxieuse et méditative le I’v Got To Get Away du groupe de ska The Paragons. Encore moins étonnant qu’ils se soient autorisés le droit de sampler The Cure sur le même morceau, Man Next Door, ou qu’ils aient invité Elizabeth Fraser (Cocteau Twins) sur Teardrop.
Fin d’époque. Si Mushroom finit par quitter Massive Attack peu de temps après la sortie de « Mezzanine », soi-disant pour des différends créatifs, ce troisième album n’en reste pas moins essentiel dans le parcours discographique des Anglais. Déjà, pour ce son qui synthétise l’époque. Mais aussi parce que le disque était en 1998 disponible en téléchargement légal sur leur site officiel, bien avant qu'il ne soit commercialisé en CD. On comprend mieux, dès lors, pourquoi il est devenu il y a quelques jours le premier album à être encodé dans de l'ADN.