Le disque du jour : « Lithopédion » de Damso

Damso n'est définitivement plus le poulain de Booba. C'est aujourd'hui l'auteur d'une discographie impeccable, qui prend encore une toute autre ampleur à l'écoute de « Lithopédion ». Avec, toujours, cette question en tête : jusqu’où ira-t-il ?
  • Trilogie. « Lithopédion » démarre là où « Ipséité » s’arrêtait : sur un lit d’hôpital, bercé par la voix d’un médecin. C’est dire si le troisième album de Damso transpire la nwaarceur, les angoisses et les traumas d’un artiste mélancolique, parfaitement conscient du monde qui l’entoure, qui écrit ses textes depuis un studio où on l’imagine reclus sur lui-même. À vingt mille lieux de la mer, comme disait La Rumeur.

    Âme torturée. Depuis la sortie d’« Batterie faible » (avant, on l’imaginait encore à tort comme un simple poulain surdoué de Booba), on sait que Damso est un artiste précis. Mais on n’avait encore jamais vu ça : sur « Lithopédion », c’est de la maniaquerie extrême, qui confine à la perfection, à la dentelle. Qui permet en plus au rappeur belge de forcer la cohérence globale du projet, mais aussi de poser des textes lugubres et violents sur des mélodies parfois légères, ou du moins directement accrocheuses (Même issue, Humain, Julien, qui aborde pourtant la pédophilie…).

    Noir désir. « J’aime pas les humains, j’préfère les espèces », rappe-t-il en dans une introduction qui règle immédiatement le destin de ce troisième album : alors que tout laisserait à penser que Damso mène la belle vie (pour rappel, « Ispéité » a été certifié quatre fois disque de platine), le Belge expose volontiers son mal-être, laisse ses souvenirs amers lui remonter à la gorge.

    Ça parle de racisme, du revers obscur de la célébrité, de politique ou de réflexions intimes sur la vie (« La vérité est un noir désir car quand elle gifle, elle prend la vie/Mais c'est quoi la vie ? Si ce n'est la mort que l'on nous accorde pour être en vie »). Et ça trahit une évidente inadéquation avec le commun des mortels, qui ne manque pas de faire écho à ce passage de Céline dans Voyage au bout de la nuit : « La meilleure des choses à faire, n’est-ce pas, quand on est de ce monde, c’est d’en sortir ».

    Perfectionnisme. « Lithopédion », il faut le dire, paraît un peu long : là où « Batterie faible » et « Ispéité » étaient extrêmement resserrés, celui-ci déploie 17 morceaux (dont Silence, produit par Angèle, également présente au chant), parfaitement équilibrés et cohérents, mais pas toujours du même calibre. Du moins, le croit-on de prime abord. C’est en effet au fur et à mesure des écoutes que ce troisième album prend toute sa dimension, dévoile toutes ses nuances et expose avec intelligence les névroses obsessionnelles d’un artiste qui excelle décidément à chacune de ses sorties. Sans exception.

    Crédit photo : Tawfik Akachar.

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