Hinds est-il la plus la plus grosse arnaque de 2020 ?

On vous donne la réponse tout de suite : c’est non. Et leur troisième album « The Prettiest Curse » montre que les quatre Espagnoles ont du talent. Mais elles jouissent quand même d’un statut surcoté au sein de l’industrie musicale.

L’histoire est belle. Elle commence en 2011 sur une plage en Espagne où Carlotta apprend à Ana trois accords à la guitare. Rapidement, elles jouent ensemble des chansons de Dylan. Fatalement, l’idée de former un groupe, en duo, arrive.

Finalement, elles temporisent : ce n’est pas encore le bon moment. Quelques mois plus tard, les deux filles se mettent à recomposer ensemble et pondent Bamboo et Trippy Gum qu’elles balancent sur SoundCloud sans attente particulière. Sauf que la mayo prend, et les médias, notamment anglo-saxons, commencent à s’intéresser au duo, qui grandit pour devenir un quatuor avec l'arrivée d'Ade et Amber. Hinds en 2014 est un vent de fraîcheur et une garage-pop décomplexée. 

Les filles enchaînent donc les singles. Au début, tout se passe bien : les chansons (Castigadas En El Granero, Davey Crockett, Between Cans) sont bonnes, et l’effet de nouveauté couplé à leur personnalité joviale fait mouche. Hinds n’est pas un groupe depuis longtemps, mais doit assurer. Elles se voient aussi coller une étiquette de « groupe à suivre » qui les dépasse un peu. Sur scène, et pas encore rôdées, les Madrilènes peinent à convaincre.

Le premier disque, « Leave Me Alone », sort en 2016. Il n’est pas mauvais. Mais il n’est pas bon pour autant. Pourtant, les médias, de Pitchfork au Guardian en passant par DIY Magazine, sont unanimes : l’album est bon. 

Durant leur épopée rapide sur la départementale du succès, les filles gardent une attitude « à la cool » qui les caractérise. Elles ont l'air de ne pas se prendre la tête et enchaînent les tournées, rencontrent plein d’autres artistes avec qui elles nouent des liens (Mac DeMarco, Julian Casablancas, etc.). Un peu sur les rotules à force de passer leur vie dans un aéroport et à squatter les canapés des potes, elles parviennent à concentrer leurs efforts pour sortir un deuxième album aux sonorités proches du premier : « I Don’t Run ». On aurait envie que que Hinds passe à l’âge adulte, mais pour l’instant le groupe veut encore profiter de la life. Là encore, les critiques sont positives, même si le disque est loin d’être transcendant (le moins bon des trois).

En réalité, Hinds devrait avoir le statut d’un groupe indé moyen qui galère pour grappiller des chroniques potables, comme leurs potes The Parrots (un autre groupe garage de Madrid). Mais non : elles sont sur le devant de la scène, comme si elles étaient des rockstars. La preuve : le 31 décembre 2019, pour fêter la nouvelle année, Hinds était avec Mac DeMarco et les Strokes à New York pour un concert spécial au Barclays Center.

Qu’elles soient surcotées ou non n’est pas si important. Surtout que leur troisième album, « The Prettiest Curse », vient rétablir la balance. Entre celui-ci et « I Don’t Run », elles ont viré leur management, pris du recul et décidé de franchir un pallier vers la pop. Exit les guitares lo-fi : Hinds veut vraiment revenir dans le game par la grande porte. Si certains morceaux ont en effet ce côté synthétique (Good Bad Times, This Moment Forever, Boy), la reste de l’album n’est pas si différent des précédents. Sur Riding Solo on retrouve les Hinds des débuts, idem sur Burn ou Take Me Back. L’envie de se réinventer est là, mais pas assez poussée pour changer totalement de costume.

Donc voilà : Hinds, on les aime bien (mais pas trop). Elles sont cool, ne se prennent pas la tête et ont l’air de vraiment aimer leur métier. Mais des groupes tout aussi prometteurs, voire plus, méritent tout autant de faire les premières parties des Strokes et de recevoir des critiques positives sur Pitchfork