2018 M03 30
Ce premier album semble beaucoup moins bordélique que ne l'était celui de The Popopopops, ton premier groupe avec Simon. C'est voulu ?
The Popopopops, c’était notre premier projet, donc on s’essayait à beaucoup de genres différents. C’était notre laboratoire, l’occasion de tester de nombreuses choses. Là, on a volontairement réduit nos influences et cherché à amener plus de cohésion. Un peu à l’image de ce que peuvent proposer The xx, James Blake ou The Whitest Boy Alive, il y a des gimmicks sonores qui reviennent souvent et qui permettent à l’auditeur d’être plongé de bout en bout dans notre univers.
Il y a pourtant une continuité entre les deux projets. We Choose, le premier morceau de l’album, a d’ailleurs été composé au cours de cette période, non ?
C’est en effet le premier titre que l’on a composé après l’aventure The Popopopops, mais on a fait le choix de le laisser mûrir. Plusieurs morceaux ont été réalisés de la même façon, et on tient à ce processus de maturation, ça nous semble important. Contrairement à nos morceaux les plus récents, sans doute plus bruts, les plus anciens avaient besoin de vivre sur scène, de rester un peu de temps dans un tiroir, un peu comme si on avait eu besoin de travailler sur d’autres morceaux avant d’y revenir et de comprendre où on pouvait les emmener.
Est-ce que, en raison du décès de Simon, tu envisages ce disque comme l’unique album de Her ?
Je ne me pose pas cette question. D’ailleurs, ma relation avec le temps a beaucoup évolué ces dernières années. La mort de Simon, forcément, m’a incité à être plus ancré dans le présent, à vivre à fond chaque moment. À vrai dire, c’est même ce qui me pousse à te parler en ce moment, c’est une façon pour moi de ne pas me projeter, de simplement continuer à promouvoir l’album afin de faire vivre Her et parler de Simon. Après, j’ai bien évidemment conscience que je ne retrouverai plus jamais cette complicité et que, en cela, cet album est indéniablement unique.
Ce n’est pas trop difficile d’assurer la promotion d’un disque et de devoir constamment parler de Simon ? C’est une gestion du deuil assez particulière…
C’est très paradoxal. D’un côté, c’est très dur, dans le sens où je réalise son absence à chaque fois. De l’autre, ça me fait du bien d’en parler et de défendre cet album que l’on a volontairement tourné vers l’espoir. Dès le début, c’était notre intention : prendre le contrepied de sa maladie et mettre en son des mélodies qui transpirent la vie. Perpétuer cette philosophie, c’est un peu comme si notre idéal continuait à vivre, comme si le cancer ne l’avait pas emporté.
D'où la chanson Icarus, où tu chantes que Simon fait partie de toi…
Carrément ! C’est d’ailleurs un morceau que j’ai écrit à la toute fin afin de lui rendre hommage.
Sur « Her », il y a aussi On and On, en duo avec Roméo Elvis. Comment est née cette collaboration ?
Ça a été un concours de circonstances. Avec Simon, on avait envie de faire la liaison entre nos influences. La soul, la pop et le hip-hop, un genre que l’on écoute beaucoup : j’étais d’ailleurs au dernier concert de Kendrick Lamar à Paris. Quand on y pense, c’était même présent au sein de notre précédent projet, dans le sens où le nom The Popopopops était une référence à NTM. L’idée, c’était donc d’avoir un titre sur l’album qui symbolise cette passion. Étant donné que Roméo est chez Barclay comme nous, ça a facilité la mise en relation. Il a écouté la mélodie en boucle, a travaillé ses parties en parallèle et on a tout bouclé en trois heures.
À en croire le texte, tu n’aimes pas trop les réseaux sociaux. C’est de ça dont parle ce morceau, non ?
L’idée, c’était que trois artistes s’expriment sur les réseaux sociaux. Un rappeur allemand expose un texte sur la façon dont on consomme la musique et l’image des chanteurs, Roméo amène un point de vue plus ironique en se concentrant sur ces mecs constamment sur leurs portables en soirée, et Simon adopte un regard plus global en prétendant qu’à force de répéter ces mêmes gestes, on va finir par se déshumaniser peu à peu.
À quel point penses-tu que ce disque est marqué par les États-Unis ?
C’est difficile à dire, mais c’est clair que ça a été une grosse influence dans l’esthétique recherchée et notre réflexion. On a toujours imaginé une musique qui puisse plaire partout dans le monde et pas qu’en France. À l’époque où on avait publié Quiet Loud sur SoundCloud, on était d’ailleurs ravis de voir que les premiers retours venaient des États-Unis. Ça nous a confortés dans notre démarche, et ça continue de nous suivre aujourd’hui.
Enfin, est-ce que tu peux me parler de cette pochette. Elle n’est pas seulement sensuelle, c’est aussi un symbole du groupe, non ?
On avait l’idée d’un liant très fort entre le nom, le titre et les clips, et cette photo est parfaite pour cela. On l’a utilisée un peu à toutes les sauces ces dernières années, si bien qu’elle est un peu devenue notre logo. C’était donc indispensable qu’elle illustre ce premier album, avec une esthétique un peu plus minimaliste et épurée que par le passé. Je pense qu’elle permet aux gens de nous identifier, même si c’est probablement la dernière fois qu'on l’utilise.
Crédits photo : Julot Bandit.