Le Hellfest raconté par Ben Barbaud, son fondateur

  • Il s’en souvient comme si c’était hier. En 2007, Ben Barbaud prend une énorme claque. La deuxième édition du Hellfest, avec une météo capricieuse et des galères en tout genre, est catastrophique. Dix ans plus tard, le Hellfest est devenu le plus grand festival de France. Pourquoi ? Comment ? Prochains défis ? On a fait le point avec lui, par téléphone.

    Au regard de la notoriété acquise par le Hellfest, est-ce qu’on peut dire que le pari est réussi ?

    Ça va totalement au-delà de mes espérances. J’ai commencé, j’étais étudiant et quand on a créé le festival, jamais j’aurais pensé en vivre un jour. Surtout, j’aurais jamais pensé que le festival puisse devenir le plus gros festival français et avoir un tel succès. L’organisation, c’est beaucoup de personnes qui y travaillent et qui ajoutent leurs petites pierres à l’édifice. Mais c’est très au-delà de nos espérances, principalement parce que ça n’avait jamais été fait avant !

    Ceci dit, vous y avez toujours cru ?

    Quand j’étais jeune, il y avait cette naïveté, cette prise de risque un peu inconsidérée qui nous faisait avancer. Je ne dirais pas que je nourrissais une ambition professionnelle et financière, j’étais plus un passionné. J’ai peut-être eu un peu plus de volonté et de pugnacité que d’autres…. Quand on faisait le bilan, et ce, malgré les échecs, on se disait qu’il y avait quelque chose à en tirer et l’année d’après, on essayait de corriger le tir. Un festival, c’est une philosophie, un état d’esprit et une histoire et ça prend des années pour construire tout ça. Le secret de la réussite, c’est de réussir à créer un évènement que les gens s’approprient.

    Ça n’a pas été trop difficile de garder l’esprit du festival tout en ayant l’ambition de grandir et de se développer ?

    Le modèle original était très do it yourself. J’allais coller les affiches, je servais des carottes râpées aux artistes, ma copine tenait la billetterie, les potes tenaient le bar, etc. Avec le modèle du festival actuel qui, financièrement, pèse très lourd, on s’est industrialisés. Maintenant, il y a des managements d’équipe, de marketing, etc. Le modèle a changé, mais l’état d’esprit, lui, est toujours le même. On est toujours une bande de copains, c’est toujours une aventure humaine.

    Donc le Hellfest arrive à garder son identité malgré tout ?

    Je pense que oui ! Ce sont toujours les mêmes personnes, le même créateur, la même ambiance familiale. Il y a deux façons de voir les choses et deux types de productions : les associatifs et indépendants comme nous et les gros producteurs. Les buts sont complètement différents. Nous, qu’on génère ou non des bénéfices, c’est pareil, parce qu’on ne se redistribue pas les profits entre nous. Chaque centime gagné est réinvesti dans le festival pour des nouveaux projets. Pour d’autres festivals, c’est plutôt : « On met des groupes sur scène et on encaisse le cash. » Nous, on reste une association et la recherche de profit n’est pas notre but premier ! Le seul truc qui continue à nous faire bander, c’est d’utiliser l’argent pour de nouveaux projets. Je n’ai pas envie de refaire le même festival année après année.

    Le but, ça a toujours été de faire partager la musique que tu aimes ?

    Pour ça, il faut revenir aux racines de mon adolescence. Quand j’étais au collège, on n’était pas beaucoup à écouter ce genre de musique alors que les autres écoutaient la radio, Skyrock, etc. On faisait figure d’ovni avec nos blousons à patch des Guns N’ Roses et mes potes qui écoutaient les Béruriers Noirs. On avait une forme de frustration, parce que les musiques qu’on adorait, et qu’on adore encore aujourd’hui, n’étaient pas représentées comme elles auraient du l’être. Le paradoxe, c’était aussi qu’on les aimait bien parce qu’elles n’étaient justement pas trop représentées… La notion de DIY à l’époque, dans le punk ou le hardcore, etc était très présente et je voulais participer à tout ça. Les gens montaient des groupes, créaient des fanzines et moi ça me plaisait d’organiser des concerts. C’était une manière de mettre en lumière ces musiques.

    « Vendre la totalité des billets sans même avoir annoncer un seul artiste, c’est une belle marque de reconnaissance de la part des fans. »

    Quand on atteint la notoriété d’un festival comme le Hellfest, comment s’organise le travail pour proposer toujours mieux ?

    Il ne faut se reposer sur ses lauriers et être à l’écoute des festivaliers. On essaie de rectifier le tir sur les choses quoi n’ont pas été, on prend énormément soin de la scénographie, des décors, des petits détails. La question qu’on se pose, c’est comment rester attrayant, comment donner aux gens l’envie de revenir ? Parce qu’un festival ce n’est pas juste une simple suite de concerts, mais une expérience globale, des rencontres, ce qu’on voit, ce qu’on entend, savoir si on s’y sent bien. Et je pense que cette stratégie est relativement payante. Si on arrive à vendre la totalité des billets avant même d’avoir annoncé un seul artiste, c’est une belle marque de reconnaissance de la part des fans.

    Venons-en au nerf de la guerre. Tu peux nous dire le prix des trois têtes d’affiche par exemple ?

    Je ne peux pas te donner les montants précis par artistes ! Mais sur le budget total du festival (20 millions d’euros), l’affiche artistique représente 6 millions d’euros. Et sur ces 6 millions, entre 30 % et 40 % rien que pour les trois premiers.

    Le groupe le plus cher de l’histoire du Hellfest ?

    Rammstein, l’année dernière.

    Dernière question, y a-t-il un groupe que vous avez toujours voulu programmer sans jamais y parvenir ?

    Oui, il y en a malgré tout, mais on ne désespère pas de les faire venir un jour ! Pas forcément que des têtes d’affiche, mais évidemment Metallica, on aimerait bien les voir jouer sur la scène. Il y a aussi Tool, qui reste grosse priorité du festival. Mais en quatorze ans, on en a déjà fait jouer un bon paquet !

    Le festival se tiendra 17 au 20 sur votre écran.
    Site officiel

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